L'ultime prophétie

gardes,
n'osa la circonvenir.
    —   Il ne peut te faire de mal, je t'assure. Et quel meilleur
moyen de nous prouver le bien-fondé de tes accusations ?
    —   Non ! cria Lozzi en reculant davantage et en se
recroquevillant. Ne t'approche pas de moi !
    L'empereur saisit le bras de Sara et le retint.
    —   Ne fais pas de mal à mon enfant. Tu es une Ilduin et je
ne puis t'en empêcher. Mes armées toutes entières ne pourraient le faire. Mais
ne fais pas de mal à ma fille !
    Sara le dévisagea.
    —   Je vous ai dit qu'elle mentait. Je vous ai averti
qu'elle venait. Un grand ordonnateur sévit dans votre palais et s'est emparé de
l'esprit de votre fille. A l'intérieur de ces murs, une Ilduin est au service
de l'Ennemi. Ses sbires cherchent à vous affaiblir et à affaiblir votre empire
afin qu'Ardred, dont la venue est imminente, ne trouve que peu de résistance.
Vous gaspillerez vos forces en combattant le mauvais adversaire. Vous
condamnerez votre peuple en écoutant des mensonges et en vous fiant aux mauvais
conseillers.
    Sara haussa les épaules.
    —   Si vous ne me croyez pas, arrêtez-nous. Mais avant de
quitter cette pièce, mon sang devra juger votre fille.
    —   Tu me menaces, moi et les miens !
    Les yeux de Sara lancèrent des éclairs.
    —   Il y a davantage en jeu que votre sort ou celui de votre
fille et de votre empire. Vous avez entendu les paroles du prophète. Allez-vous
ignorer ses avertissements à cause des menteries d’une enfant ?
    L'empereur lui lâcha le bras lentement et s'adressa à sa
fille.
    —   Lozzi, pourquoi Nona t'a-t-elle frappée ?
    La fillette fixait le sang qui coulait de la main de Sara et
parut soudain perdue et confuse.
    —   Je... elle...
    Sa voix faiblit et elle leva la tête vers son père. Elle
était manifestement en proie à une terrible lutte interne.
    —   Elle... elle ne m'a pas frappée !
    Sur ce, la fillette s'effondra sur le sol, inanimée.
    L'empereur s'agenouilla près d'elle et la prit doucement
dans ses bras.
    —   Elle est forte, dit Sara avec douceur. Elle est sur le
point de découvrir ses pouvoirs d'Ilduin. Elle s'en sortira. Soyez fier car
elle s'est battue et s'est libérée de leur emprise, même si cette liberté sera
de courte durée.
    L'empereur leva les yeux vers Sara.
    —   Tu peux guérir. Aide-la.
    —   Elle n'a pas besoin de soins. Et seule, je ne suis pas
assez forte pour combattre une autre Ilduin afin de récupérer son esprit et son
cœur. J'ai besoin de l'aide de mes sœurs.
    —   Alors appelle-les !
    —   Vous devrez les laisser passer en toute sécurité.
    —   Ce sera fait.
    —   Et vous devrez laisser le Seigneur Annuvil les
accompagner.
    —   Il est ici ?
    L'empereur semblait à la fois stupéfait et interdit.
    —   Il commande notre armée, dit Alezzi. Il nous guidera
dans la guerre contre le Chaos. Avec la Dame Blanche.
    L'empereur, résigné, contempla sa fille.
    —   Elle est si pâle. J'enverrai un messager.
    —   Ce ne sera pas nécessaire, dit Sara. Je vais les
prévenir. Assurez-vous qu'aucun obstacle ne barrera leur route.
    L'empereur hocha la tête et berça Lozzi, le cœur brisé.
     
    —   Je n'aurais jamais cru voir ce jour, murmura Cilla à
Tess.
    A cheval, les deux jeunes femmes et Archer traversaient les
rangs impeccables de la légion bozandari. Les soldats les observaient, très
soupçonneux, mais l'ordre leur avait été donné de les laisser passer sans
encombres et ils lui obéissaient.
    —   C'est... bizarre, repartit Tess.
    Cilla l'observa.
    —   Bizarre de quelle façon ?
    —   C'est comme si... Je l'avais déjà fait avant.
    Tess chercha à rassembler les bribes d'un passé évanoui. Une
partie d'elle-même craignait ce qu'elle risquait d'y découvrir — son amnésie la
protégeait peut-être d'une chose horrible. Le seul souvenir qu'elle avait
retrouvé était celui de la mort de sa mère entre ses bras, dans un monde
étrange.
    Mais cette fois-ci, cela semblait important et elle
s'efforça de se rappeler. Sa mémoire s'ouvrit brutalement et elle vit quelque
chose d'entièrement différent de la scène qui se déroulait sous ses yeux. Un
champ de bataille comme celui sur lequel s'étaient opposés les Anari et la
légion de Tuzza. Une bataille aussi terrible. Pire encore.
    Doc !
    Elle rampait à plat ventre en tirant un sac lourd. Autour
d'elle, des explosions faisaient trembler la terre et les airs. Des gravats et
des lambeaux de chair