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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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en obsidienne à peine plus longue que la phalange d'un doigt.
    La lame du couteau à sculpter de Shuganan, pensa Chagak avec un soupir de reconnaissance qui soulagea presque la douleur de ses poignets et de ses chevilles.
    Elle saisit la lame tranchante et coupa les liens qui la retenaient prisonnière. Combien de temps les hommes resteraient-ils absents? La plupart des chasses aux phoques duraient trois ou quatre jours. Jusqu'où pourrait-elle aller avec son ik? Quelle direction devrait-elle prendre? Peut-être devrait-elle essayer de rallier l'île des Chasseurs de Baleines. Homme-Qui-Tue penserait qu'elle était partie vers l'est où se trouvaient d'autres villages de Chasseurs de Phoques.
    « Oui, décida-t-elle, je vais traverser le prochain détroit et aller trouver mon grand-père. Peut-être que les Chasseurs de Baleines accepteront de revenir avec moi pour délivrer Shuganan. »
    Shuganan et Homme-Qui-Tue restèrent sur la plage une bonne partie de la matinée. Shuganan était assis dans son ikyak, les jambes étendues devant lui, le capuchon de son chigadax noué autour de sa tête, le bas du vêtement fixé à la doublure du bateau le protégeant ainsi de l'eau.
    Le ciel était lourd de nuages et un vent du sud augmentait le volume des grosses vagues qui venaient s'écraser des deux côtés de l'ikyak. La mer était du même gris que le ciel et l'eau devenait lourde sous la pagaie de Shuganan.
    « Nous aurons du mal à trouver des phoques », pensa-t-il. Homme-Qui-Tue avait attaché l'ikyak de Shuganan au sien avec une longue lanière de babiche en cuir, ce qui les maintenait ensemble mais gênait leurs mouvements pour pagayer et rendait toute manœuvre difficile.
    Mais les problèmes d'Homme-Qui-Tue ne tracassaient pas Shuganan. Sa crainte était que la mauvaise mer rendît la fuite de Chagak malaisée. Serait-elle capable de diriger son ik dans ces grosses vagues ? Qu'arriverait-il si l'eau pénétrait à l'intérieur? L'ik n'était pas une embarcation aussi facile à maîtriser qu'un ikyak.
    Et si Chagak ne trouvait pas le creux dans la sculpture? Elle n'aurait rien pour couper ses liens et ne pourrait même pas tenter de s'enfuir.
    Car Shuganan était resté éveillé la nuit précédente, tirant des plans sur ce qu'il ferait si Homme-Qui-Tue l'emmenait chasser avec lui. Peut-être importait-il peu que Chagak ne pût s'échapper. Homme-Qui-Tue ne reviendrait peut-être pas de la chasse. La mer était dangereuse et, dans toutes les chasses, il y avait la possibilité que le chasseur ne rentre pas. Quel homme pouvait l'ignorer? Quel homme, éprouvant de la joie à se sentir sur l'eau, avec seulement l'épaisseur de la doublure en peau de phoque entre la mer et ses jambes, ne se retournait pas une dernière fois pour considérer le rivage, vers son ulaq et son village ? Quel homme ne saisissait pas son amulette pour demander aux esprits une protection contre la mer?
    « Mais qu'arriverait-il si, en tuant Homme-Qui-Tue, je perds ma propre vie? » Tout en réfléchissant, Shuganan leva les yeux vers l'horizon. « J'ai vécu un grand nombre d'années et je n'ai pas besoin d'en avoir beaucoup plus, mais qu'arrivera-t-il si Chagak ne trouve pas la lame cachée dans la sculpture? Qu'arrivera-t-il si elle ne peut se délivrer? Elle ne dispose de provisions que pour quelques jours ; d'eau pour quatre jours peut-être, de nourriture pour huit ou dix, mais ensuite que fera-t-elle ? Serait-il pire pour elle de mourir dans l'ulaq, sans eau, sans nourriture, ou préférerait-elle être la femme d'Homme-Qui-Tue et vivre dans son village ? En tant qu'épouse, elle pourrait au moins avoir des bébés. Des enfants lui apporteraient de la joie. »
    « Mais elle trouvera cette lame », pensa encore Shuganan pour se rassurer. « Oui, elle la trouvera. Puis elle partira rejoindre son grand-père et sera sauvée. C'est ce qu'elle fera, quant à moi j'aurai fait ce que je devais. »
    Shuganan regarda devant lui en direction d'Homme-Qui-Tue et vit les épaules larges et les bras musclés. Il se servait de sa pagaie avec facilité et Shuganan avait des difficultés à le suivre. Plus d'une fois la corde entre les deux embarcations s'était tendue et Homme-Qui-Tue s'était retourné chaque fois avec une saccade qui secouait l'ikyak.
    Shuganan scruta encore l'horizon. Le gris du ciel se mêlait à ce point avec la mer que l'on ne voyait même plus le contour de l'île. Ils n'avaient aperçu aucun phoque pointant sa tête au milieu

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