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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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d'elle une femme.
    Puis, selon la coutume de son peuple, sa mère l'avait aidée à construire un abri de bois sec, de boue et d'herbe et Chagak était restée là pendant trente jours, mangeant peu, mais utilisant ses rêves pour en tirer des idées de dessins. Les chasseurs savaient qu'une femme ayant ses premières règles possédait certains pouvoirs et tout homme qui achetait des peaux de phoque à son père avait le droit de demander à Chagak de lui faire une ceinture ou de lui donner quelque chose pour lui porter chance à la chasse.
    Aussi Chagak avait-elle travaillé pendant ces trente jours, ne recevant la visite que de sa mère et de sa grand-mère. Elle s'était sentie seule et effrayée par les esprits qui auraient pu être attirés par son sang.
    Une fois, après une longue nuit durant laquelle elle était restée éveillée par une pluie froide qui traversait les murs de son abri, inondant son lit et sa réserve de nourriture, Chagak s'était mise à chanter pour se réconforter sous la pluie, les mots venant d'autres chansons et, à mesure qu'elle chantait, des images se formaient dans son esprit, un village de loutres vivant près du village de ses parents, et elle commença à comprendre pourquoi son père appelait les loutres des sœurs, pourquoi il prenait tant de soin pour ne pas les tuer ou même les déranger quand il péchait au milieu du varech.
    Et alors les loutres avaient paru lui parler, lui raconter les mêmes histoires que sa grand-mère, tenant l'esprit de Chagak occupé tandis que ses doigts tissaient une ceinture d'homme.
    Maintenant, lorsqu'elle travaillait dans l'ikyak d'Homme-Qui-Tue, les loutres paraissaient lui apporter du réconfort, lui parler des choses joyeuses de la vie.
    Chagak fit tomber une patelle dans le sac attaché sur le côté de l'ikyak et qui était presque plein.
    Elle étendit le bras pour attraper une dernière patelle sur un rocher quand Homme-Qui-Tue lui dit:
    — Ne bouge pas.
    Elle leva les yeux sur lui et vit qu'il avait détaché les deux harpons et, avant que Chagak ait pu esquisser un geste, avant même qu'elle ait compris ce qu'il avait l'intention de faire, il lança les deux harpons l'un après l'autre.
    — Non! cria-t-elle quand le premier harpon frappa une mère loutre, tenant un bébé sur son ventre.
    Le second toucha une loutre qui dormait au milieu des varechs. Mais dès que Chagak eut pro-féré son cri, Homme-Qui-Tue lui plaqua la main sur la bouche.
    — Ne bouge pas, je vais les tuer toutes, dit-il en retirant les harpons en enroulant les cordes à l'ikyak.
    Il retira sa main de la bouche de Chagak et elle le supplia :
    — Je t'en prie, elles sont sacrées pour ma famille, ne les tue pas ! Ce sont mes sœurs.
    Mais Homme-Qui-Tue se contenta de lancer la tête en arrière et éclata de rire. Il riait toujours en détachant la loutre morte du varech et riait encore en attrapant la mère loutre et en tordant le cou à son bébé.
    Chagak crut entendre une voix tranquille, la voix de la mère loutre lui dire :
    — Reste tranquille. Inutile de le combattre.
    Mais la colère poussa Chagak à l'action et elle
    se retourna sur Homme-Qui-Tue, le couteau de femme à la main. Elle entailla l'ikyak et les cordes qui retenaient les harpons et finalement taillada les bras d'Homme-Qui-Tue.
    — Tu serais morte si je n'avais pas besoin du pouvoir de ton grand-père, dit-il en la saisissant par les bras et en l'obligeant à lâcher son couteau.
    Puis, tenant ses deux poignets d'une seule main, il ramassa la pagaie et en frappa Chagak sur la tête.
    Le bruit de la pagaie sur son crâne provoqua un écho dans sa tête où se noyèrent le rire d'Homme-Qui-Tue et les cris effrayés des loutres qui essayaient d'aider celles qui avaient été tuées par le harpon.
    « Sauvez-vous, vous ne pouvez rien pour vos morts », aurait voulu crier Chagak, mais sa bouche ne parvenait pas à articuler un seul mot.
    « Comme le peuple de mon village », pensa-t-elle, et la douleur dans sa tête se métamorphosa en flammes rouges qui avaient embrasé l'ulaki-daq de son peuple et elle continua à entendre leurs cris tandis qu'Homme-Qui-Tue saisissait loutre après loutre, jeunes et vieilles, et les jetait dans l'ikyak. Il en tuait certaines avec son harpon, d'autres avec le plat de sa pagaie, il en attrapait d'autres encore dans des filets tandis qu'elles nageaient près des loutres mortes autour de l'ikyak.
    Prise dans l'obscurité, Chagak ne pouvait plus bouger, ne

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