Ma soeur la lune
et sœurs. C'est alors qu'il songea à son propre peuple, tellement plus proche d'Aka que les Chasseurs de Baleines. Peut-être sa mère et son père, ses sœurs et Amgigh étaient-ils morts eux aussi, enterrés sous les décombres de leur ulaq. Et Kiin ?
— Kiin, murmura-t-il en repoussant Trois Poissons.
La femme leva sur lui ses yeux rougis.
— Roc Dur t'accuse, répéta-t-elle. Il dit que tu as appelé Aka, que tu pouvais voir la Danse de la Baleine depuis cette crête et que tu l'as regardée pour nous porter malheur.
— Roc Dur est un imbécile, s'écria Samig, furieux. Quel homme est capable de faire sortir le feu d'une montagne?
— Il prétend que tu as appelé les baleines et que tu possèdes aussi le pouvoir d'appeler Aka.
Samig la dévisagea, vit l'interrogation dans ses yeux.
Aurais-je pu appeler les baleines sans le savoir? se demanda Samig. Aurais-je pu souhaiter qu'Aka fasse une telle chose ? Mais, pensant à sa propre famille, il dit à Trois Poissons :
— Porterais-je volontairement préjudice à mon peuple? Ils sont plus près d'Aka que les Chasseurs de Baleines. Roc Dur est un crétin.
Samig rampa hors de l'abri et s'arrêta, saisi par le spectacle de l'épaisseur de copeaux gris qui recouvraient la saillie. Il en prit une poignée et se retourna pour trouver Petit Couteau à son côté.
— Je n'aurais pas dû regarder la danse, sanglota Petit Couteau.
Samig jeta la cendre et protesta d'une voix forte :
— Quel chasseur ne regarde pas ? Quel chasseur ne voit pas ?
Mais la douleur ne quittait pas les yeux de l'enfant qui réitéra :
— Je n'aurais pas dû regarder. Je ne suis pas un chasseur. Je ne suis pas un guetteur.
— Tu aurais été un guetteur.
— Mais je ne le suis pas.
— Je suis un chasseur de baleines, rétorqua Samig.
Puis, au brouillard, à la cendre qui pleuvait, il cria :
— Je suis un chasseur de baleines. J'ai choisi Petit Couteau comme guetteur.
Voyant que Petit Couteau ne pipait mot, Samig le repoussa doucement pour entrer dans la hutte.
— Rassemble tes affaires, lui dit-il. Nous rentrons au village.
Quand il pénétra dans la hutte, Trois Poissons saisit son parka.
— Tu ne peux retourner. Roc Dur te tuera.
— Je n'ai pas peur de lui.
— Il n'y a pas que lui. Tous les hommes du village ont juré de te tuer.
— Phoque Mourant?
— Tous. Et Roc Dur te tranchera la tête afin de détruire ton esprit. Tu ne peux rentrer.
— Je te dis qu'il ne me fait pas peur.
— Alors tu es un sot, lança brusquement Trois Poissons d'une voix forte et ferme qui n'était pas sans rappeler celle d'Épouse Dodue.
Ce qui mit Samig en rage.
— Tu as vécu trop longtemps avec ma grand-mère. Tu parles comme un homme.
Trois Poissons déglutit et ses narines tremblèrent, mais elle dit, doucement cette fois :
— Qui enseignera à ton peuple à chasser la baleine si tu es assassiné? Comment veux-tu te rendre utile pour l'instant ?
Elle s'interrompit, regarda Petit Couteau, puis de nouveau son mari.
— Si tu as appelé Aka et causé tout cela, alors appelle-la de nouveau et arrête-la, puis rentre chez toi et laisse-nous tranquilles. Mais si tu n'as pas appelé Aka, comment aideras-tu quiconque si tu es tué? Retourne à ton peuple et aide-le.
Samig dévisagea Trois Poissons, ahuri. Qui aurait pensé trouver tant de sagesse derrière ces dents cassées, derrière ce rire grossier?
— Tu es ma femme, rétorqua Samig. Si tu retournes chez les Chasseurs de Baleines, Phoque Mourant veillera sur toi, mais si tu le désires, tu peux me suivre.
Elle demeura un moment immobile.
— Tu ne m'as pas encore donné de fils, dit-elle. Je pars avec toi.
Ils cheminèrent, alors que la fumée et le brouillard recouvraient encore la plage. La cendre rendait
les prises traîtresses et les pieds glissants. Petit Couteau tomba une fois, s'entaillant le genou et s'arra-chant la peau du bras, mais il ne broncha pas, et Samig ne dit rien tout le temps qu'il soutint l'enfant afin qu'il reprenne son souffle. Puis ils reprirent leur descente.
Une fois sur la plage, Samig se tourna vers les casiers d'ikyan.
— Non, dit Petit Couteau. J'y vais. Personne ne s'occupera de moi. Tu restes ici. Cache-toi dans l'herbe.
Samig étudia l'enfant du regard. Disait-il la vérité ou ramènerait-il Roc Dur?
L'enfant attendit en silence.
— Je l'accompagne, proposa Trois Poissons.
Mais Samig l'attira dans l'herbe près de lui.
— Non.
Comment faire
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