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Madame Catherine

Madame Catherine

Titel: Madame Catherine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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son égard des sentiments équivalents. Sa gratitude fut immense et sans objet précis ; il aurait voulu embrasser le chien dans la cour, l’armure du grand escalier, la moindre fleur... Pour autant, les tourtereaux ne s’étaient jamais qu’effleurés ; à peine avaient-ils échangé deux ou trois baisers bien furtifs, comme dérobés – il est vrai, délicieux à en faire mal. Or, soit crainte d’un père vigilant, soit peur d’être déçue peut-être – ou décevante – Françoise en tout cas ne facilitait rien.
    Six fois, dix fois, des occasions se présentèrent, plus ou moins propices, d’aller plus loin ; toujours elle laissait filer l’opportunité... Vincent finit par se dire qu’il était le seul à espérer vraiment une intimité qui l’obsédait et, tout en rêvant de fusion, se faisait peu à peu à l’idée de ne jamais la vivre. Au point que, sans l’espèce de fierté qu’il mettait à forcer toujours le destin, il aurait pu finir par y renoncer tout à fait.
    Tout bascula durant la semaine sainte. Étrangement, alors que l’ambiance au manoir était à un pieux recueillement, les tourtereaux mirent à profit la multiplication des offices et des retraites pour s’abstraire de la famille et mener un peu leur vie. Ils s’embrassèrent vraiment le mercredi saint, sous les auspices pourtant peu engageants de Judas {15} , allèrent plus loin le vendredi, alors que toute la maisonnée s’abîmait en prières et en méditation.
    Mais leur premier abandon charnel, ils le connurent pour Pâques – mieux : juste avant le repas de Pâques !
    Nanon et ses gâte-sauce avaient préparé un festin pour la famille, les voisins, les amis – tous coreligionnaires. Comme chaque année, l’on avait réuni les grandes verdures {16} des chambres, et tendu leur décor de laine et de soie dans la noble salle, à l’étage. La plus vaste tenture, nettement décollée du mur, permettrait de dissimuler, le temps des réjouissances, tout un fatras qui, ordinairement, occupait le centre du salon. Simon avait festonné le tout de guirlandes de lierre et de bannières aux couleurs des Coisay, noir et bleu – on disait : de sable et d’azur.
    Vers une heure de l’après-midi, les convives, sortant du grand office de Pâques, se rassemblèrent dans la cour, où le temps radieux permit de servir en plein air un vin miellé. Françoise, courant entre son oncle et Nanon, aidait aux ultimes préparatifs. Elle s’affairait dans la salle, entre la tenture et le mur, à entasser des escabelles, quand elle aperçut, caché derrière une sorte d’échelle, son cher Vincent qui faisait le mort.
    — Mais... Que faites-vous ici ? demanda-t-elle, le coeur chaviré comme à chaque fois qu’elle l’apercevait.
    — Je vous attendais, voyons !
    — Ici ?
    Ils avaient d’emblée adopté un chuchotement qui ne laissait rien présager de très honnête... Le garçon, tout beau dans son pourpoint neuf de taffetas gris, avait presque peigné sa terrible tignasse ; il était souriant ou, pour mieux dire, rigolard, et paraissait dévorer des yeux la jeune fille, que sa robe de fête rendait plus belle encore, avec des allures de dame.
    — Vous avez mis bien du temps, murmura douloureusement le garçon.
    — Nous avions rendez-vous ?
    — Bien sûr : depuis notre naissance.
    Avec une audace toute nouvelle, il plaqua Françoise au mur et lui baisa les lèvres, le menton, le cou, la gorge qu’il dénudait en même temps d’une main habile.
    — Vincent, non, ça non ! protesta-t-elle en l’embrassant de bon coeur.
    Il vibrait quant à lui, de désir. Sans perdre une minute, il dégrafa le corsage de Françoise, y plongea ses lèvres avides et, avant qu’elle ait pu se dégager, glissa une main très hardie sous ses jupes. Loin de le repousser, elle le guida en tremblant, agitée d’une soudaine fringale de lui, de ses bras, de son dos, de lui tout entier.
    Ils s’agitaient dans la pénombre de ce petit espace, pris entre la muraille et le revers de la tapisserie, qu’ils menaçaient de faire tomber d’un instant à l’autre. Françoise aida Vincent à défaire les centaines de boutons de son maudit pourpoint, de ses maudites chausses ; Vincent aida Françoise à défaire les milliers d’agrafes de cette robe qu’il eût aimé déchirer de ses dents. Quand ils furent à peu près nus l’un et l’autre, la peau frémissante et le coeur battant, ils prirent le temps, quoique malaisément,

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