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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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contre celui de l’empereur d’Allemagne.
    Jusque passé dix heures, il me fut impossible
de dormir, en songeant à ma félicité. L’oncle allait et venait chez
lui ; je l’entendis ouvrir son secrétaire, puis faire du feu
dans le poêle de sa chambre pour la première fois de l’hiver ;
je pensai qu’il avait l’idée de veiller, et je finis par m’endormir
profondément.

XVI
     
    Neuf heures sonnaient à l’église, lorsque je
fus éveillé par un cliquetis de ferraille devant notre
maison ; des chevaux piétinaient sur la terre durcie, on
entendait des gens parler à notre porte.
    L’idée me vint aussitôt que les Prussiens
arrivaient pour prendre Mme Thérèse, et je souhaitai de tout
mon cœur que l’oncle Jacob n’eût pas aussi longtemps dormi que moi.
Deux minutes après, je descendais l’escalier, et je découvrais au
bout de l’allée cinq ou six hussards enveloppés dans leur dolman,
la grande sabretache pendant jusqu’au-dessous de l’étrier, et le
sabre au poing. L’officier, un petit blond très maigre, les joues
creuses, les pommettes plaquées de rose et les grosses moustaches
d’un roux fauve, se tenait en travers de l’allée sur un grand
cheval noir, et Lisbeth, le balai à la main, répondait à ses
questions d’un air effrayé.
    Plus loin, s’étendait un cercle de gens, la
bouche béante, se penchant l’un sur l’autre pour entendre. Au
premier rang, je remarquai le mauser, les mains dans les poches, et
M. Richter qui souriait, les yeux plissés et les dents
découvertes, comme un vieux renard en jubilation. Il était venu
sans doute pour jouir de la confusion de l’oncle.
    – Ainsi, votre maître et la prisonnière
sont partis ensemble ce matin ? disait l’officier.
    – Oui, monsieur le commandant, répondit
Lisbeth.
    – À quelle heure ?
    – Entre cinq et six heures, monsieur le
commandant ; il faisait encore nuit ; j’ai moi-même
accroché la lanterne au traîneau.
    – Vous aviez donc reçu l’avis de notre
arrivée ? dit l’officier en lui lançant un coup d’œil
perçant.
    Lisbeth regarda le mauser, qui sortit du
cercle et répondit pour elle sans gêne.
    – Sauf votre respect, j’ai vu le Dr Jacob
hier soir ; c’est un de mes amis… Cette pauvre vieille ne sait
rien… Depuis longtemps le docteur était las de la Française, il
avait envie de s’en débarrasser, et quand il a vu qu’elle pouvait
supporter le voyage, il a profité du premier moment.
    – Mais comment ne les avons-nous pas
rencontrés sur la route ? s’écria le Prussien en regardant le
mauser de la tête aux pieds.
    – Hé ! vous aurez pris le chemin de
la vallée, le docteur aura passé par le Waldeck et la
montagne ; il y a plus d’un chemin pour aller à
Kaiserslautern.
    L’officier, sans répondre, sauta de son
cheval, il entra dans notre chambre, poussa la porte de la cuisine
et fit semblant de regarder à droite et à gauche ; puis il
ressortit et dit en se remettant en selle :
    – Allons, voilà notre affaire
faite ; le reste ne nous regarde plus.
    Il se dirigea vers le
Cruchon-d’Or
,
ses hommes le suivirent, et la foule se dispersa, causant de ces
événements extraordinaires. Richter semblait confus et comme
indigné, Spick nous regardait d’un œil louche ; ils
remontèrent ensemble les marches de l’auberge, et Scipio, qui
s’était tenu sur notre escalier, sortit alors en aboyant de toutes
ses forces.
    Les hussards se rafraîchirent au
Cruchon-d’Or
, puis nous les revîmes passer devant chez
nous, sur la route de Kaiserslautern, et depuis nous n’en eûmes
plus de nouvelles.
    Lisbeth et moi nous pensions que l’oncle
reviendrait à la nuit, mais quand nous vîmes s’écouler tout le
jour, puis le lendemain et le surlendemain sans même recevoir de
lettre on peut s’imaginer notre inquiétude.
    Scipio montait et descendait dans la
maison ; il se tenait le nez au bas de la porte du matin au
soir, appelant Mme Thérèse, reniflant et pleurant d’un ton
lamentable. Sa désolation nous gagnait ; mille idées de
malheurs nous passaient par la tête.
    Le mauser venait nous voir tous les soirs et
nous disait :
    – Bah ! tout cela n’est rien ;
le docteur a voulu recommander Mme Thérèse ; il ne
pouvait pas la laisser partir avec les prisonniers, c’était
contraire au bon sens ; il aura demandé une audience au
feld-maréchal Brunswick, pour tâcher de la faire entrer à l’hôpital
de Kaiserslautern… Toutes ces

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