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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacqueline Duchêne
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Marie-Thérèse. Pour sa première apparition à la cour de France, la jeune fille vint, coiffée en large, à l'espagnole, avec de faux cheveux, encombrée de son garde-infante. Anne-Louise s'en gaussa avec Mme de Motteville.
    — Quelle machine monstrueuse ! Des cercles de tonneaux cousus dans les jupes. Et quelle démarche horrible quand la machine se hausse et se baisse. Remarquez aussi, ma bonne, ses grosses joues, ses lèvres épaisses, son ovale trop long. Comme elle est petite ! Les habits de cérémonie l'écrasent.
    — Oui, mais elle est jeune, rétorqua la « bonne » Motteville.
    Anne-Louise pinça les lèvres. Elle venait de fêter ses trente-trois ans. Elle aurait envoyé la Motteville au diable. Et puis elle en avait assez des gens qui l'entouraient, un ramassis de profiteurs et de flagorneurs.
    Elle ne pouvait plus souffrir sa tante qui ne cessait de prodiguer des « ma fille » à Marie-Thérèse :
    — Ma fille, ce nom que j'ai désiré vous donner toute ma vie. Vous étiez ma nièce et vous devenez ma fille. Que Dieu en soit remercié.
    Au souvenir du passé, Anne-Louise frémissait. Où était la « petite maman » ?
    Et voilà qu'un envoyé de lord Jermyn, sur les instances de sa tante d'Angleterre, lui proposait à nouveau d'épouser Charles. Le jeune homme venait — qui l'eût imaginé ? — de remonter sur son trône. Hélas, les caisses de son royaume étaient désespérément vides. Comment restaurer dignement son pouvoir ? Le cardinal lui aurait volontiers accordé sa nièce Hortense riche à millions. Mais Mademoiselle était encore plus riche.
    — C'est pourquoi ma tante d'Angleterre a songé à moi... Je la reconnais bien là. Ma réponse, dites-le-lui, est non. J'ai refusé le prince pendant tout le temps de son exil. Je refuse de m'unir à lui, maintenant qu'il est roi. Je ne le mérite pas.
    Elle se voulait pleine de dignité, fière. En réalité, elle fanfaronnait. Le cœur lui battait plus vite. Quelque part, dans son corps, lui revenait le souvenir des « douceurs » de Charles, si désirées, si brèves, à jamais perdues.
    Il faisait chaud. Elle n'avait plus de maux de gorge. Mais la migraine ne la quittait pas. Fuyant le brouhaha importun, elle partit se promener au bord de la mer, suivie de loin par Préfontaine et ses gardes. Bercée par les flots, elle médita sur le plan d'une vie solitaire, sur des gens qui se retireraient de la cour. Pas en exilés, non. Volontairement. Ils s'abandonneraient aux choses de l'esprit, se promèneraient, écouteraient de la musique et vivraient heureux.
    Elle rentra chez elle mettre ses rêveries sur le papier. « La cour, écrivit-elle, où rien n'est jamais doux ni sereinpour personne, ce lieu où les puissants n'ont pas assez d'oreilles pour écouter les menteurs. »
    Comme d'habitude, l'écriture l'apaisait.
    Cela ne dura pas. Perrette l'arracha à sa paix.
    Il était temps qu'elle se prépare. Avait-elle oublié que cette dernière soirée avant le mariage du roi, elle devait la passer en petit comité chez le cardinal, avec sa tante et ses cousins ? Le dîner aurait lieu dans la chambre de Mazarin. Il avait la goutte et ne pouvait marcher.
     
    Le 9 juin arriva. Le mariage religieux du roi et de Marie-Thérèse allait se dérouler dans l'église de Saint-Jean-de-Luz. On devait s'y rendre en procession. Le chemin parut interminable à Mademoiselle.
    Selon son rang, elle était la première à marcher derrière la petite infante. Elle la suivait, mortifiée, dévorée de jalousie. Son habit à queue lui pesait, et tous ces rangs de perles qu'elle portait, partout, sur la tête, aux bras, au cou. Les perles, bijoux du deuil. On croyait qu'elle portait le deuil de son père, c'était celui de ses rêves.
    Le parfum des fleurs innombrables qui tapissaient les rues l'entêtait. Les badauds qui se pressaient sur le passage du cortège l'étouffaient. Toujours l'insupportable chaleur. Toujours la migraine.
    On approchait. Les régiments des gardes suisses et françaises faisaient la haie dans la rue. Il y avait un pont à passer, et, tout près, en formation de parade, se tenait une compagnie de gentilshcmmes de la maison militaire du roi, qui servait seulement aux cérémonies, les becs-de-corbin, appelés ainsi du nom de leur hallebarde à l'extrémité recourbée.
    Soudain, l'inattendu. Anne-Louise le vit. Le commandant de cette compagnie, c'était lui, le jeune homme aulézard, un peu moins jeune que sur le tableau du

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