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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacqueline Duchêne
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Caravage, et fort petit. Elle ne voyait pas ses cheveux recouverts du grand chapeau à plumes. Mais elle reconnaissait sa bouche en accent circonflexe, ses yeux verts, son regard particulier, impérieux et vif. Elle ne pouvait en douter. C'était lui, le compagnon imaginaire de ses nuits.
    Elle retint à grand peine un cri et demeura indifférente au reste de la cérémonie, impatiente d'en avoir fini pour demander enfin à Cécile :
    — Qui est le gentilhomme qui commande les becs-de-corbin ?
    — Le plus grand séducteur que la terre ait porté, répondit-elle en riant. Méfiez-vous ! Il n'est pas particulièrement beau mais toutes les femmes lui tombent dans les bras. Il est vrai qu'il a vingt-six ans. Il est aussi terriblement jaloux.
    — Vraiment ?
    Feignant le calme, Anne-Louise brûlait de curiosité.
    — Oui, très jaloux. Écoutez l'aventure de Mme de Monaco. Elle était sa maîtresse. Il s'aperçoit qu'elle le trompe avec un personnage plus riche et plus important que lui. Quelques jours plus tard — on est en été —, il voit la jeune femme étendue sur un lit de gazon, une main sur l'herbe, au milieu de ses amies. Il passe nonchalamment près de la traîtresse. Et, comme par mégarde, il met son talon sur sa main, appuie, fait une pirouette pour appuyer davantage, puis, toujours appuyant, se tourne vers elle afin de lui demander pardon. Qu'en dites-vous ?
    — Mme de Monaco a dû crier bien fort.
    — Non, trop de visages curieux l'entouraient. Elle ne voulait pas que l'on jase. Mais on dit qu'au lit les maîtresses du jeune homme crient à qui mieux mieux. Sachez qu'il fait voir en grand secret des cassettes étonnantes. Dedans, des portraits sans nombre, des nudités, trois sanstête, deux avec les yeux crevés, des cheveux longs et courts. Des étiquettes pour éviter la confusion : grison d'une telle, ou mousse — comme sur les arbres humides — d'une autre, ou encore blondin pris en bon lieu. Bref dans ces boîtes mille incroyables gentillesses.
    — Qui est-il enfin ?
    — Antoine de Caumont, comte de Lauzun, cadet d'une grande famille, et... sans le sou. Il a servi sous le maréchal de Gramont, son oncle. Mais, depuis peu, depuis que Guiche l'a introduit à la cour, il est devenu un favori du roi et ne le quitte guère.
     
    De cette faveur dont jouissait Lauzun, on s'aperçut quelque temps plus tard. Louis, qui l'avait nommé colonel des dragons, eut envie, pendant que la cour était à Fontainebleau, de faire admirer ce régiment aux dames. Dans les batailles, les dragons, cavaliers sans bottes, avançaient à cheval mais combattaient à pied. Ils formaient un corps prestigieux qui s'élançait le premier à la charge, avec les « enfants perdus », les adolescents sans famille.
    Les hommes et leur chef campèrent donc tout un jour de juillet entre le parc et le mail de Fontainebleau. Anne-Louise ne fut pas la dernière à admirer le bel air du colonel. Elle ne dit mot de son admiration mais ses yeux bleus parlaient pour elle.
    Béthune le vit et en fit un peu plus tard la remarque à Lauzun.
    — Certaine personne ne vous a pas quitté des yeux, mon cher, lui murmura-t-il à l'oreille.
    — Cela ne m'a pas échappé. La voilà donc cette cousine germaine du roi.
    — Oui, mais elle n'est pas pour vous. La plus grande fortune d'Europe... Et puis volontaire, obstinée même, j'en sais quelque chose. On ne la manie pas facilement.
    — Ne me mettez pas au défi. J'aurais trop envie de la conquérir. Justement puisqu'elle est si riche... Oui, j'en serais capable, continua-t-il rêveusement. Ces filles mûres et en vue, elles n'ont connu de l'amour — au mieux — que les tendresses fades de leur suivante préférée. Une misère. Le plaisir, le vrai, quand elles le connaissent, leur tourne la tête.
    — Vous oubliez la sévérité d'Anne d'Autriche, qui gouverne Mademoiselle comme si elle avait toujours dix ans.
    — Elle ne s'est pourtant pas privée...
    — Chut ! La reine mère est vieille maintenant. Elle ne songe plus qu'au salut de son âme et au bonheur du roi.
    — Elle laissera d'autant plus facilement sa nièce disposer d'elle-même et de sa fortune. Ces fameux millions... Cela vaut la peine d'essayer.
    — C'est donc pour la bonne cause, pour le mariage, que vous voudriez vous battre.
    — Évidemment. Que me ferait une conquête de plus ? Je vise la main de Mademoiselle.
    — Sans vous blesser, vous visez vraiment haut, mon cher.
     
    Et le jeu de la séduction

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