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Marc-Aurèle

Marc-Aurèle

Titel: Marc-Aurèle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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laisse-le. Quand il y a des ronces dans le chemin, passe à côté. On te pourchasse de calomnies, d’imprécations ? Est-ce que cela doit changer ta pensée pure, raisonnable, mesurée et juste ? C’est comme si, en passant auprès d’une source limpide et douce, on l’injuriait ; elle ne cesse pas pour autant de jaillir avec son eau bonne à boire, et si l’on y jette de la boue et des ordures, elle les dispersera très vite et n’en gardera pas trace. Comment conserveras-tu en toi, Priscus, une source éternelle ? En te gardant à toute heure pour la liberté, en restant bienveillant, simple et consciencieux. »

 
     
33
    J’entends la voix de Marc Aurèle.
    Je croise les bras, étreins ma poitrine, mains agrippées aux épaules comme si, en forçant mon dos à se voûter, je pouvais retenir en moi cette voix, comprendre Marc Aurèle auprès de qui j’ai vécu sans oser le questionner ni lui demander de m’éclairer.
    Il était l’empereur du genre humain, la colonne sur laquelle reposait l’ordre du monde. Depuis sa disparition, nous vivions à nouveau des temps monstrueux. Comment lui, si clairvoyant, n’avait-il pas empêché ce fils, Commode, le scélérat, le débauché, peut-être seulement son bâtard, de lui succéder ? Avait-il été victime de sa bonté ?
    Je le vois, alors que la perversion, la cruauté, la brutalité de Commode sont déjà connues de tous, embrasser ce fils, lui décerner le titre de César, puis la grande prêtrise et le droit d’organiser son triomphe.
    J’ai vu Marc Aurèle le philosophe courir dans le cirque auprès du char triomphal dans lequel son fils se tenait assis.
    Pourquoi cet aveuglement ?
    Qu’est-ce qui a manqué à cet homme sage et vertueux ?
    Je l’écoute.
    Parfois j’ai l’impression qu’il parle comme Eclectos. Il affiche la même sérénité que le chrétien. Il montre le même respect de l’homme.
    Je l’ai accompagné au Sénat. Il fustige les patriciens, leur reproche de traiter les esclaves qu’ils possèdent comme un troupeau. Il veut, dit-il, que soit élaborée une législation nouvelle précisant quels châtiments pourront être infligés à un esclave par son maître.
    Il tend le bras. Il désigne Rugus, propriétaire de plusieurs milliers d’esclaves qu’il fait travailler sur ses domaines, dans ses vignes, dont il vend parfois les plus belles pièces, parce qu’il jouit de les voir succomber dans l’arène sous la morsure des fauves ou bien de savoir qu’elles sont prostituées dans un lupanar. Et il leur y rend visite. Il exerce la puissance d’un Dieu absolu décidant du sort de ces femmes et de ces hommes.
    « Rugus, dit Marc Aurèle, si désormais tu tues l’un de tes esclaves, tu seras jugé comme criminel, si tu le tortures, la loi te punira et te contraindra à le vendre. Tu ne pourras plus séparer les membres d’une même famille, mais tu les vendras ensemble. Tu ne pourras plus les faire combattre dans l’amphithéâtre, ou les forcer à se prostituer. »
    Les sénateurs murmurent, Marc Aurèle les toise et continue d’exposer ses décisions. Il ferme le poing, le brandit et clame :
    « L’esclave est une personne humaine. Telle est ma certitude. Elle doit entrer dans la loi ! »
    Il se tourne vers moi, me fixe. Il quête un soutien, une approbation.
    Je ne sais si je les lui ai donnés.
    Aujourd’hui, après tant d’années, lorsque je lis le recueil de ses Pensées et y reconnais sa voix, j’éprouve un grand trouble.
    J’ai l’impression que Marc Aurèle y emploie les mêmes mots qu’Eclectos. Il prône le respect de l’homme. Il évoque la précarité de la vie dont Dieu dispose. Il prononce rarement ce mot de Dieu, mais j’entends l’écho presque dans chaque phrase quand il parle de l’ordre de la nature, de l’âme.
    Il dit :
    « Abcès du monde, celui qui s’écarte et se sépare de la loi de la nature universelle en étant mécontent des événements, car ils sont produits par cette nature même qui l’a produit. Lambeau arraché à la Cité universelle, celui qui sépare sa propre âme de celle de tous les êtres raisonnables, alors qu’il n’y en a qu’une. »
    Eclectos pourrait s’exprimer ainsi.
     
    Je vois Eclectos, le chrétien, et Marc Aurèle, l’empereur du genre humain, marcher dans la même direction. Ils ne sont qu’à faible distance l’un de l’autre. Il suffirait que le chrétien et l’empereur tendent un bras à l’horizontale, l’un le

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