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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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conçues pour offrir six confortables places chacune. Cela signifie
qu’en plus de son équipage qui totalisait près de quatre cents personnes ce
vaisseau pouvait transporter six cents passagers. Au cours de cette brève
expédition, il n’y avait que peu de gens à bord. En dehors de notre petit
groupe, s’y trouvaient des marchands ambulants, quelques officiers ministériels
de rang subalterne et un certain nombre de capitaines d’autres navires,
désœuvrés entre deux voyages. Les cales du chuan abritaient une grande
variété de marchandises, suffisantes pour nourrir toute une ville. Pour donner
une idée de leur capacité en volume, je dirais qu’elles auraient pu transporter
environ deux cents de nos tonneaux de Venise.
    J’ai dit « les cales » à dessein, au lieu
d’employer le mot au singulier, parce qu’un chuan est construit avec
ingéniosité : des compartiments étanches séparés font que, si le navire
heurtait un récif et si un trou se formait sous la ligne de flottaison, seul ce
compartiment serait inondé, les autres restant secs et gardant l’ensemble à
flot. Il aurait de toute façon fallu, pour percer la coque, un récif
particulièrement solide, tant les planches de sa membrure, plaquées en triple
épaisseur, constituaient une protection efficace. Le capitaine, un Han qui
parlait le mongol, me montra avec fierté la structure verticale des planches
qui composaient la partie intérieure de la coque, de la quille au pont, et me
fît remarquer que la seconde était assemblée en diagonale, et la troisième,
située vers l’extérieur, à l’horizontale, de la proue à la poupe.
    — Solide comme un roc, affirma-t-il, frappant du
poing sur la paroi d’un compartiment étanche, ce qui produisit en effet un son
rappelant un maillet sur la pierre. Du bon bois de teck de Champa, riveté de
gros clous de fer à tête large.
    — Dans l’Occident d’où je viens, nous n’utilisons
pas le bois de teck, expliquai-je, presque sur un ton d’excuse. Nos
constructeurs de navires font confiance au chêne. En revanche, nos clous sont
similaires aux vôtres.
    — Cinglés de charpentiers ferenghi ! rugit-il
dans un gigantesque rire. Ils ne se sont pas rendu compte que le bois de chêne
exsudait un acide qui corrode le fer ? Le teck, au contraire, contient une
huile essentielle qui a pour vertu de l’empêcher de rouiller !
    Je me trouvais là une fois encore confronté à un
exemple de l’ingéniosité orientale, qui semblait enfoncer un peu plus mon
Occident natal. Quelque peu dépité, j’aurais aimé me raccrocher à un exemple de
simplicité d’esprit typiquement orientale pour contrebalancer les choses ;
je ne désespérais pas d’en rencontrer au moins un avant la fin du voyage. Je
crus bien le tenir lorsqu’un jour, alors que nous n’étions plus en vue du rivage,
nous traversâmes une mauvaise tempête. Le vent se déchaîna, la pluie se mit à
crépiter et les éclairs à zébrer le ciel, tandis que la mer se gonflait et que
des feux de Saint-Elme grésillaient sur les mâts et les plats-bords. C’est
alors que j’entendis le capitaine crier à son équipage :
    — Préparez le chuan pour le
sacrifice !
    Il y avait de quoi sursauter à une décision si rapide
de sabordage, alors que la masse puissante du navire tanguait à peine dans la
tourmente. N’étant qu’un « marin d’eau douce », comme les appellent
sourire aux lèvres les marins de Venise, j’étais supposé appréhender le moindre
danger maritime. Mais je ne voyais là rien de plus alarmant qu’une situation
encourageant à réduire un peu la voile. Ce grain, cela me semblait évident, ne
méritait pas le nom de tai-feng. J’étais par chance assez marin pour
m’interdire tout avis qui eût semblé contredire le capitaine et évitai de
montrer le moindre mépris pour cet excès d’inquiétude.
    Je fis bien. Alors que je me préparais à descendre avertir
d’une voix triste mes compagnes que nous allions abandonner le navire, je vis
deux hommes d’équipage gravir gaiement vers moi l’escalier des cabines, portant
avec précaution un bateau de papier, un jouet qui n’était autre que la réplique
en miniature de notre propre navire.
    — Le chuan de sacrifice, m’indiqua le
capitaine d’un air imperturbable tout en le jetant par-dessus bord. Il est là
pour tromper les dieux marins. Dès qu’ils le voient s’enfoncer dans les flots,
ils pensent avoir coulé notre navire. Aussi

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