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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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conquérants
mongols à ses trousses... Je ne sais pas quel prix on lui a demandé, mais
c’était plus qu’il ne pouvait payer.
    Je hochai la tête.
    — Aussi, anticipai-je, a-t-il tenté de multiplier
le peu qu’il avait... Il a eu recours aux tables de jeu.
    — Exactement. Et comme chacun sait, l’infortune
aime à s’acharner sur les infortunés. Le roi a joué aux dés et, en l’espace de
quelques jours seulement, a perdu tout ce qui lui restait. Or, bijoux,
garde-robe, biens divers. Parmi lesquels, j’imagine, la fameuse dent que vous
recherchez, grand frère. Toutes ces pertes ont eu lieu sur fond de débauche.
Nul ne sait ce qui a été gagné par des résidents d’Akyab ou par des marins
repartis depuis.
    — Vakh, grognai-je
sombrement.
    — Finalement, le roi d’Ava s’est retrouvé seul,
avec les vêtements qu’il portait dans cette salle de jeu et une femme qui
l’attendait, désespérée, dans leur logis du front de mer. Et voilà qu’en cette
ultime journée de jeu, le roi s’est offert en mise, lui-même. Prêt à
devenir, s’il perdait, l’esclave de son vainqueur. J’ignore qui a accepté de
tenir le pari et combien il a pu engager pour le gain d’un roi.
    — Mais bien sûr, le roi a perdu.
    — Évidemment. Tous, dans la salle de jeu, le
méprisaient déjà, bien qu’il les ait passablement enrichis. Vous imaginez à
quel point ils purent alors le honnir, ils durent sans doute s’en tordre les
lèvres de dégoût..., quand l’homme, poussé à bout, leur proposa :
« Tenez. Il reste une chose qui m’appartient encore. J’ai une magnifique
épouse originaire du Bengale. Sans moi, elle sera destituée. Elle accepterait
donc sûrement de miser sa chance sur le seul maître qui puisse encore prendre
soin d’elle. Je vais donc mettre en jeu ma femme, Dame Tofaa Devata, sur ce dernier
coup de dés. » Le pari fut pris, les dés roulèrent, et il perdit.
    — C’était donc ça..., fis-je. Il a tout perdu.
Sale infortune pour moi, du même coup. Mais où y avait-il là matière à
dispute ?
    — Encore un peu de patience, grand frère. Le roi
réclama une ultime faveur. Il implora qu’avant d’aller se livrer lui-même en
esclavage, on le laissât annoncer les tristes nouvelles dont il était porteur à
sa jeune épouse. Même les joueurs sont capables d’un peu de compassion. Ils le
laissèrent donc repartir, seul, jusqu’à son auberge du front de mer. Et il eut
assez d’honneur pour lui annoncer sans ménagement ce qu’il avait fait, avant de
lui ordonner de se rendre aux pieds de son nouveau maître, à la salle de jeu.
Elle s’y rendit docilement, et le roi s’assit à une table pour prendre son
dernier repas d’homme libre. Alors, il se gorgea et s’empiffra devant
l’aubergiste abasourdi, ne cessant de réclamer plus de nourriture et de
boisson. Finalement, il devint pourpre et s’écroula, frappé d’une crise
d’apoplexie. Il était mort.
    — C’est ce qu’on m’a rapporté. Bon, mais alors,
quoi ? Il n’y avait toujours pas de raison de se quereller : l’homme
qui l’avait gagné le possédait toujours, mort ou vivant.
    — Encore un peu de patience. Dame Tofaa, comme le
lui avait ordonné son mari, se présenta à la salle de jeu. On raconte que les
yeux de celui auquel elle revenait s’allumèrent dès qu’il vit quelle esclave de
choix lui était échue. C’était une femme encore jeune, que le roi avait acquise
peu de temps auparavant, mais, n’étant plus reine en titre, ni mère d’aucun
héritier, elle ne valait plus grand-chose, en dehors de sa qualité de reine
déchue. Et même si, comme je vous l’ai dit, les canons de beauté d’ici ne sont
pas les miens, certains des hommes présents la trouvèrent belle, et tous
s’accordèrent à la juger astucieuse, ce dont je veux bien convenir. Car au
moment où son nouveau maître s’approcha pour la prendre par la main, elle la
retira, le temps de s’adresser brièvement à tous ceux qui se trouvaient là.
Elle ne posa que deux questions, en apparence fort simples : « Avant
que mon mari me mette en jeu, ne s’était-il pas déjà lui-même offert en
gage ? Et n’avait-il pas perdu ? »
    Shaibani se tut enfin. J’attendis un instant, puis
l’aiguillonnai :
    — Et alors ?
    — Eh bien voilà, nous y sommes. C’est de là que
tout a commencé. Depuis, le problème qu’elle a soulevé n’a cessé d’agiter cette
maudite cité, et il ne se trouve pas deux

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