Marcof-le-malouin
déjà parlé.
Arrivé à cet endroit, il s’arrêta et se coucha sur le sol. Il appuya son oreille contre la porte. D’abord il n’entendit aucun bruit. Puis il distingua des pas lourds et irréguliers comme ceux d’une personne dont la marche serait embarrassée.
Il entendit le sifflement d’une respiration haletante. Enfin, les pas se rapprochèrent, s’arrêtèrent, une main s’appuya contre la porte secrète, Jocelyn écoutait avec anxiété. Il s’attendait à voir jouer le ressort. Il n’en fut rien ; mais le bruit mat d’un corps roulant lourdement sur la terre parvint jusqu’à lui. Ce bruit fut suivi d’un soupir. Puis tout rentra dans le plus profond silence.
IX – LA CELLULE DE L’ABBESSE.
Si le lecteur ne se fatigue pas d’un séjour trop prolongé dans le couvent de Plogastel, nous allons le prier de quitter le cloître souterrain et de retourner avec nous dans cette partie de l’abbaye où nous l’avons conduit déjà.
Nous avons abandonné la jolie Bretonne au moment où le comte de Fougueray s’apprêtait à la saigner, tout en se livrant à de sinistres pronostics à l’endroit de la jeune malade.
Avec un sang-froid et une habileté dignes d’un disciple d’Esculape, le beau-frère du marquis de Loc-Ronan procéda aux préliminaires de l’opération. Il releva la manche de la jeune fille, mit à nu son bras blanc et arrondi, et, gonflant la veine par la pression du pouce, il la piqua de l’extrémité acérée de sa lancette. Le sang jaillit en abondance.
Hermosa soutenait d’un bras la jeune fille, tandis que le chevalier lui baignait les tempes avec de l’eau fraîche. Mais qu’il y avait loin de la contenance froide et presque indifférente de ces trois personnages aux soins affectueux que prodiguent d’ordinaire ceux qui entourent un malade aimé ! Le comte regardait Yvonne d’un œil calme et cruel, agissant plutôt comme opérateur que comme médecin. Hermosa se préoccupait d’empêcher les gouttelettes de sang de tacher sa robe. Le chevalier insouciant de l’état alarmant de la jeune fille, promenait ses regards animés sur les charmes que lui révélait le désordre de toilette dans lequel se trouvait la malade.
– Crois-tu qu’elle en revienne ? demanda-t-il au comte.
– Je n’en sais rien, répondit celui-ci.
Puis, jugeant la saignée suffisamment abondante, il l’arrêta et banda le bras de la jeune fille.
– Maintenant, dit-il, nous n’avons plus rien à faire ici. Laissons la nature agir à sa guise. Le sujet est jeune et vigoureux ; il y a peut-être de la ressource.
– Faut-il la veiller ? demanda Hermosa ; j’enverrais Jasmin.
– Inutile, ma chère ; qu’elle dorme, cela vaut mieux.
– Au diable cette maladie subite ! s’écria le chevalier. Nous allons avoir une succession d’ennuis à la place des jours de plaisirs que j’espérais.
– Oui, cela est contrariant, Raphaël, mais que veux-tu ? il faut prendre son mal en patience. Si la petite doit mourir ici, mieux vaut que ce soit aujourd’hui que demain ; nous en serons débarrassés plus tôt.
– C’est qu’elle est charmante, et qu’elle me plaît énormément.
– Elle ne peut t’entendre en ce moment, mon cher ; tes galanteries sont donc en pure perte. Laisse-la reposer quelques heures, et peut-être qu’à son réveil tu pourras causer avec elle ; en attendant, quittons cette chambre.
– Nous pouvons la laisser seule ?…
– Pardieu ! Elle ne songera pas à fuir, je t’en réponds ; y songeât-elle, que les grilles et les verrous s’opposeraient à son dessein. Partons ! c’est, je le répète, ce qu’il y a de mieux à faire en ce moment. Il ne faut pas nous dissimuler, Raphaël, que tu es un peu cause de l’état dans lequel se trouve ta bien-aimée. Tu l’entends ?… elle délire. Je pense que ma saignée et le repos ramèneront le calme et la raison. Néanmoins, si à son réveil elle voyait quelque chose qui l’effrayât, le délire pourrait revenir plus violent encore. Donc, allons-nous-en et attendons.
– Soit ! fit le chevalier en quittant la cellule ; attendons… je reviendrai dans deux heures !
Et sans plus se préoccuper de celle que son infâme conduite et ses violences avaient amenée aux portes du tombeau, Raphaël descendit l’escalier de l’abbaye et se rendit aux écuries pour s’assurer que ses chevaux étaient convenablement soignés.
– Bien décidément, se dit-il tout en passant la
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