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Marcof-le-malouin

Marcof-le-malouin

Titel: Marcof-le-malouin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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et s’éloigna rapidement. Marcof se gratta la tête ; réfléchit quelques instants, puis, haussant les épaules, il se remit à travailler.
    Le lendemain, le gentilhomme fut exact au rendez-vous. Seulement, cette fois, il venait à pied et tenait par la main un jeune garçon âgé d’environ trois ans. Il entra dans la cabane, et déposa sur la table une bourse gonflée d’or. Le marché qu’il avait à proposer au pêcheur était de prendre l’argent et l’enfant. Le pêcheur accepta.
    – Comment s’appelle le petit ? demanda-t-il.
    – Il porte ton nom.
    – Mon nom ?
    – Sans doute ; il sera ton fils et s’appellera Marcof.
    – C’est bien. Vous reverrai-je ?
    – Jamais.
    – Et si je vous rencontrais ?
    – Tu ne me rencontreras pas.
    – Quand l’enfant sera grand, que lui dirai-je ?
    – Rien.
    – Mais plus tard, il apprendra dans le pays qu’il n’est pas mon fils et il me demandera où sont ses parents…
    – Tu lui diras que tu l’as trouvé dans un naufrage, et que ses parents sort sans doute morts.
    – Est-il baptisé, au moins ?
    – Oui.
    – Alors c’est bien ; je garde l’enfant. Vous pouvez partir.
    Le gentilhomme fit quelques pas dans la cabane. Il semblait ému. Enfin, s’approchant brusquement de l’enfant, il l’enleva dans ses bras, le pressa sur son cœur, l’embrassa, puis, le déposant à terre, il s’élança au dehors. Depuis ce jour, on ne le revit plus dans le pays…
    Le marquis de Loc-Ronan interrompit sa lecture.
    – Ce gentilhomme, dit-il, était mon père, et cet enfant était son fils.
    – Et il l’abandonnait ainsi ? s’écria Julie.
    – Oui, répondit le marquis ; mais cet abandon a été pendant toute sa vie le sujet d’un remords cuisant ! Ce fut à son lit d’agonie et de sa bouche même que tous ces détails me furent confirmés. Il me donna, en outre, les moyens de reconnaître un jour mon frère naturel, ainsi que vous le verrez plus tard. Je continue.
    Et le marquis se remit à lire :
    « Le pêcheur tint sa promesse et éleva l’enfant ; seulement, c’était une nature singulière que celle de ce Marcof : l’argent que lui avait donné le gentilhomme lui pesait comme une mauvaise action. Il le fit distribuer aux pauvres, et n’en garda pas pour lui la moindre part. Bientôt l’enfant devint fort et vigoureux, au point que son père adoptif crut devoir l’emmener avec lui, quand il prenait la mer, dans sa barque de pêche. Le dur métier de mousse développa ses membres, et l’aguerrit de bonne heure à tous les dangers auxquels sont exposés les marins. À dix ans, il était le plus adroit, le plus intrépide et le plus batailleur de tous les gars du pays.
    Bon par nature, il protégeait les faibles et luttait avec les forts. Un jour, un méchant gars de dix-huit à vingt ans frappait un enfant pauvre et débile que sa faiblesse empêchait de travailler. Le jeune Marcof voulut intervenir. Le brutal paysan le menaça d’un châtiment semblable à celui qu’il infligeait à sa triste victime. Marcof le défia.
    Ceci se passait sur la grève devant une douzaine de matelots, qui riaient de l’arrogance du « moussaillon, » comme ils le nommaient. Le jeune homme s’avança vers Marcof. Celui-ci ne recula pas ; seulement il se baissa, ramassa une pierre, et, au moment où son adversaire étendait la main pour le saisir au collet, il lui lança le projectile en pleine poitrine. La pierre ne fit pas grand mal au paysan, mais elle excita sa colère outre mesure.
    – Ah ! fahis gars !… s’écria-t-il, tu vas la danser !…
    Et, prenant un bâton, il courut sus au pauvre enfant. Marcof devint pâle, puis écarlate. Ses yeux parurent prêts à jaillir de leurs orbites. Un charpentier présent à la discussion était appuyé sur sa hache. Marcof la lui arracha, et, la brandissant avec force, tandis que le paysan levait son bâton pour le frapper :
    – Allons, dit-il, je veux bien !… coup pour coup !
    Le paysan recula. Les matelots applaudirent, et emmenèrent l’enfant avec eux au cabaret, où ils le baptisèrent « matelot. » Marcof était enchanté.
    L’année suivante, Marcof avait onze ans à peine, le pêcheur tomba gravement malade. En quelques jours la maladie fit de rapides progrès. Un vieux chirurgien de marine déclara sans la moindre précaution que tous les remèdes seraient inutiles, et qu’il fallait songer à mourir. En entendant cette cruelle et brutale sentence,

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