Marguerite
un poste d’administrateur dans le milieu de la haute finance montréalaise.
Il contribuait { l’édification de l’église presbytérienne St. Gabriel où il détenait une charge de marguillier.
Attendant patiemment ce jour, il étonnait ses concitoyens par ses folles extravagances. Comme ce pavillon chinois qui ornait son verger du faubourg Saint-Laurent ! Son fils aîné prenait part aux affaires familiales, se chargeant des achats de tissus chez les marchands Sheppard de Londres. Le jeune homme profitait de ses séjours outre-Atlantique pour acheter { bon prix des objets d’art et des toiles qui transformaient la maison familiale de Montréal en véritable musée que Talham avait eu la chance de visiter.
Pendant ses années de célibat, le docteur était devenu un bon client de Gibb. Lui qui consacrait l’essentiel de son temps à soigner les autres éprouvait un grand plaisir
{ venir choisir des tissus ou discuter de l’élégance d’une coupe ou des détails de la confection. L’art du tailleur lui faisait oublier, l’espace de quelques heures, l’omniprésence brutale de la maladie et de la mort. Il avait observé chez Marguerite cette même recherche de beauté et de perfection dans le soin qu’elle apportait { la finition de ses ouvrages.
— Au théâtre, ce soir, j’aurai { mon bras mon épouse revêtue de sa belle robe bleue qu’elle a elle-même confectionnée, dit fièrement Alexandre à Marguerite en attendant le retour de Gibb. Mais je souhaite lui offrir une robe tournée à la toute dernière mode fabriquée par une couturière, tout comme le font les grandes dames. Madame Talham tiendra son rang dans la paroisse pour la plus grande joie de son mari !
En discutant avec mademoiselle Gibb, qui prendra tes mesures et te suggérera des modèles pour les grandes occasions, tu apprendras une foule de petites choses qui feront de toi une personne aussi élégante que Sophie Boileau. Je veux aussi que tu achètes ce qu’il te faudra de verges d’indienne, de coton, de batiste, de mousseline, tout ce qu’il faut pour terminer ton trousseau, et aussi. . pour la layette de l’enfant. Car il faut bien y penser, ajouta-t-il dans un sourire en la voyant s’effaroucher { nouveau.
Mais cela ne dura pas, Marguerite était trop captivée par la boutique.
Monsieur Gibb revint en compagnie d’une jeune femme vêtue sobrement, mais avec goût, qui avait peut-être vingt ans et qu’il présenta comme son assistante : sa fille, Margaret.
— Comme vous le savez, docteur, chacun de mes enfants participe au commerce pour apprendre le métier de leur père, dont ma fille, tout comme ses frères. D’ailleurs, pour ce qui est de la confection, c’est la plus douée, et les grandes dames de Montréal la réclament.
— Si vous voulez bien venir avec moi, madame Talham, fit Margaret en l’invitant { la suivre.
Deux heures plus tard, les Talham ressortaient de chez Gibb. Excitée par tous leurs achats, Marguerite anticipait le plaisir qu’elle aurait { travailler avec ces beaux tissus!
Dans quelques semaines, la malle livrerait à Chambly une somptueuse robe de mousseline blanche brodée de coton, créée par les doigts talentueux de mademoiselle Gibb, et pour Alexandre, une nouvelle veste, des culottes et d’autres hardes dont quelques chemises. Elle souriait, la tête pleine d’idées nouvelles.
Ils reprirent Notre-Dame pour descendre Saint-Joseph jusqu’{ la petite rue Capitale, parallèle { la longue rue Saint-Paul, près de la place du vieux marché. Talham s’ar-rêta devant une discrète maison de pierres. Il frappa { l’huis et entrouvrit la porte.
— Docteur Rowand ? appela-t-il.
Un homme d’environ soixante ans, entièrement vêtu de noir, apparut { l’entrée de l’arrière-boutique.
— Doctor Talham. How are you, my dear Alex? Mais comment allez-vous cher collègue ? reprit-il en français. Il y a longtemps qu’on vous a vu ! Et vous êtes en bonne compagnie, je dirais ?
En plus de pratiquer la médecine et de faire partie du bureau des examinateurs pour l’octroi de licence de médecin dans le district de Montréal, le docteur John Rowand tenait une boutique d’apothicairerie. Il parlait assez bien le fran-
çais, fournissant en remèdes et instruments les médecins de la campagne qui, { l’instar de Talham, constituaient la plus grande partie de sa clientèle.
Il saluait encore les nouveaux venus lorsqu’un homme, grand et maigre à faire peur, entra à son
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