Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
Vom Netzwerk:
femme. «Ne suis-je pas à mon tour dans une comédie de Molière à tenir le rôle d’un Pygmalion ? » songea-t-il avec dérision. Mais Marguerite était si candide, si adorable lorsqu’elle fronçait les sourcils en posant ses questions. Il sourit à sa femme qui. . lui retourna la politesse. Le sourire de Marguerite ébranla Alexandre. Il prenait de plus en plus plaisir à la compagnie de sa jeune épouse. Il se tut, attendri. Ils restè-
    rent tous les deux sans parler. Dans le silence, un ange passa.

    *****
Dehors, le soleil se faisait chaud, apportant un redoux.
    La neige fondait, dégageant les pavés devant le Montréal Hôtel. Talham décida qu’ils iraient { pied plutôt que de faire la dépense d’une voiture. Ils remontèrent la rue Notre-Dame et s’arrêtèrent au numéro 36, devant une boutique surmontée d’une enseigne en bois dont les lettres peintes annonçaient : Gibb Merchant Tailor. Deux vitrines exposaient toutes sortes d’articles élégants nécessaires aux messieurs : chapeaux, cannes, gants et écharpes de soie étaient disposés pêle-mêle. Talham poussa la porte et fit entrer Marguerite.
    — Greetings, Doctor Talham. Ifs a pleasure to welcome y ou once again in my modest boutique 1.
    Un homme sortait de derrière un comptoir qui meublait le fond du magasin. Il était vêtu sobrement, mais il se dégageait de sa personne une telle distinction qu’on ne pouvait le prendre pour un simple commis. Il s’inclina avec circonspection devant Marguerite : « Madam. »
    Marguerite salua distraitement, intriguée qu’elle était par le foisonnement d’objets qu’elle voyait autour d’elle. La boutique, déj{ pas très grande, était surchargée d’accessoires divers qui s’entassaient ç{ et l{ : parapluies noirs, chapeaux de diverses formes, gants de soie ou de chevreaux. « Il n’y a que des articles pour les messieurs, se dit la jeune femme.
    Pourquoi sommes-nous ici ? »
    — Monsieur Gibb, voici mon épouse, madame Talham.
    Il lui faut une foule de petites choses essentielles à sa condition: gants, mouchoirs, ombrelle, que sais-je? Votre fille Margaret s’occupe-t-elle toujours des dames ?
    — Mais oui ! Entrez ici.
    Il les fit passer derrière le comptoir. Un rideau masquait une ouverture qui menait { l’arrière-boutique.
    — Oh ! fit Marguerite, éblouie.
    Des centaines d’aulnes de tissu: velours chatoyants, satins moirés, nankins colorés, taffetas lustrés ou serges sombres s’empilaient en un joyeux arc-en-ciel sur les tablettes, côtoyant profusion d’indiennes bigarrées, de-cotons blancs, de lainages, de flanelles, de batistes, de bombazettes* et de mousselines. Des fuseaux de fils de toutes les couleurs imaginables, des dentelles, des passementeries magnifiquement ornées, des épaulettes dorées ou argentées, des boîtes de rubans, de l’extra-fort, des galons de soies, tout cela abondait et remplissait des étagères de bois, sans compter quantité de boutons. C’était incroyable ! Marguerite se mit { rêver, imaginant robes, jupes et jupons qu’elle pourrait confectionner dans ces tissus merveilleux. Talham observait sa jeune femme, amusé par son plaisir évident.
    Mister Gibb les conduisit vers un escalier qui aboutissait dans un cabinet, { l’étage. Sur deux grandes tables de bois, de longues règles droites étaient fixées. De gros ciseaux à tailler et un ruban à mesurer, négligemment posés sur une des tables, témoignaient de l’art du tailleur.
    — Je cours chercher ma fille, dit monsieur Gibb dans un excellent français.
    Il disparut par une autre porte, les laissant seuls dans la petite pièce.
    Benaiah Gibb était né en Angleterre, mais son nom rappelait son origine écossaise. Mister Gibb était devenu le tailleur le plus recherché de la bonne société ; une douzaine d’apprentis et de compagnons travaillaient pour lui, maniant aiguilles et ciseaux pour habiller les officiers, les riches marchands et les notables de la bourgeoisie anglaise et française de Montréal. A force de travail et de talent, l’humble artisan s’était élevé dans la société, atteignant le statut de notable comme plusieurs des illustres membres de sa clientèle. Ses affaires florissantes lui avaient permis d’acheter récemment une maison de pierres à deux étages sur la rue Saint-Jacques, un luxe que peu d’artisans pouvaient offrir {
    leur famille, qui vivait généralement au-dessus de la boutique ou du magasin. Gibb aspirait secrètement {

Weitere Kostenlose Bücher