Marguerite
gèle ici.
Marguerite jeta un châle sur ses épaules et sortit. L’appentis qui abritait le petit bois pour les poêles de là maison était vide. Elle se dirigea vers le hangar afin de trouver une hache.
Emmélie, elle, partit en direction de la cuisine. Il n’y avait pas d’eau chaude ni sur le poêle, ni dans l’âtre. Elle entreprit de trouver un récipient quelconque pour faire chauffer de l’eau. Aucune casserole accrochée au-dessus de l’âtre, mais des ustensiles étaient jetés pêle-mêle dans la boîte à bois à côté du foyer. Elle écarta la bassinoire en cuivre, brassa les casseroles et, dans tout ce tintamarre, elle n’entendit pas le docteur qui entrait, l’air parfaitement ahuri de trouver la demoiselle Boileau affairée dans sa cuisine.
— Diable ! Mais voulez-vous me dire ce que vous faites là !
— Oh ! Docteur, je ne vous avais pas entendu. Je cherche de quoi faire bouillir de l’eau, puis une théière et des tasses propres, le sucre et le thé. Pouvez-vous m’aider?
— Mais où est passée Charlotte ? Et Marguerite ?
— De Charlotte, point. Mais Marguerite est sortie chercher du bois.
— Du bois ? Décidément, rien ne tourne rond dans cette maison, s’exclama le docteur, exaspéré. Je reviens pour chercher le remède des demoiselles de Niverville que j’ai oublié et je trouve une révolution dans ma maison. Cette fois, Marguerite va m’entendre.
De mauvaise humeur, il sortit dans la cour, mais ne vit personne. Quelqu’un coupait du bois dans le hangar. «Au moins, l’engagé fait son travail », songea-t-il. Sauf que dans la pénombre du bâtiment, c’était la silhouette d’une femme qu’on voyait manier la hache. Où donc était l’engagé qui laissait la pauvre Charlotte fendre le bois ?
Furieux, Talham partit à la recherche de Baptiste Ménard.
C’est dans la grange qu’il le trouva, en train de conter lleurette à Charlotte qui riait bêtement.
— Que faites-vous là ? hurla-t-il.
Les deux coupables se retournèrent d’un seul mouvement. Jamais on n’avait entendu le docteur crier aussi fort.
Il était rouge de colère, le visage congestionné à tel point que Charlotte craignit la crise d’apoplexie !
— Toi, Baptiste, va t’occuper du bois. L’appentis est vide et il reste des dizaines de cordes à placer afin que tout sèche bien pour l’année prochaine.
La mine basse, l’engagé s’enfuit sans demander son reste, heureux de s’en tirer { si bon compte, du moins pour l’instant.
— Et toi, Charlotte, comment se fait-il que la demoiselle Boileau soit obligée de faire elle-même le thé alors qu’elle vient nous visiter?
— Mais docteur, j’ignorais que la demoiselle était à la maison !
Les cris du docteur avaient alerté Marguerite et Emmélie qui accouraient. Alexandre regarda sa femme, puis Charlotte, et d’un ton sans réplique, demanda :
— Marguerite, c’était toi qui fendais le bois dans le hangar ?
— Oui, fit-elle, l’air contrit, comme si elle était coupable de quelque crime innommable.
— Ce n’est pas un travail pour toi. Tu es la femme d’un médecin, ma femme !
— Mais Alexandre, il faut bien que ce travail se fasse, rétorqua Marguerite.
— Nous avons du personnel, ma chère, fit-il d’un ton déplaisant.
Marguerite n’avait jamais vu son mari en colère et son attitude la paralysait. Voyant que son amie était sur le point d’éclater en sanglots devant la domestique, Emmélie intervint.
— Docteur, vous m’avez demandé ce matin d’aider Marguerite. Eh bien, je peux répondre à vos interroga-tions puisque Charlotte m’en fournit l’occasion. Depuis les premiers jours de votre mariage, votre domestique lui tient tête à en refusant systématiquement de lui obéir.
Marguerite doit tout faire elle-même et en plus, elle protège cette paresseuse en ne se plaignant jamais.
— Que voulez-vous insinuer, mademoiselle Boileau ?
Et Emmélie de relater quelques exemples au docteur.
— Marguerite, pourquoi ne m’as-tu pas confié tes ennuis? demanda-t-il à son épouse, quelque peu radouci par les révélations d’Emmélie.
— C’était un peu de ma faute. Voyez-vous, Alexandre, je n’ai pas le tour de donner des ordres, avoua-t-elle.
— Mais c’est absurde ! Charlotte, ne t’ai-je pas enjoint, dès les débuts, d’obéir { ta nouvelle maîtresse ?
— Monsieur, rechigna le domestique en se mouchant, c’est qu’elle voulait tout changer dans la maison de madame
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