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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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nous savons tous que messire Bédard a un don inné pour les lettres, ajouta-t-il, mi-taquin, mi-sérieux, pour alléger l’atmosphère.
    — Mon beau-frère a raison, soutint de Niverville. Notre curé a une fort belle main d’écriture.
    — Monsieur Lukin voulait dire qu’il s’exprimait bien par écrit, grogna Rouville que la sottise du chevalier exaspérait parfois.
    — Et pour ne pas effaroucher le curé de Saint-Denis, envoyons un messager qui s’y rend souvent pour ses propres affaires, ajouta le docteur Talham. Je me chargerais bien volontiers de cette mission, j’ai coutume d’y passer réguliè-
    rement pour visiter quelques patients. Mais ces jours-ci, je ne veux pas m’éloigner de mon épouse ; elle approche de son terme.
    — Et nous envions tous votre bonheur, s’exclama Joseph Bresse.
    Son caractère enjoué se réjouissait toujours de la félicité des autres. «Ma femme m’a dit qu’elle avait vu récemment madame Talham qui semblait très en forme malgré l’avancement de sa maladie », ajouta-t-il.
    — Ma femme n’est pas malade, rétorqua gentiment le docteur, elle est enceinte et vous avez raison, elle se porte fort bien.

    — Elle a pour elle la vigueur de sa jeunesse, ne put s’empêcher de dire Ferrière d’un ton morne. A son âge, mon épouse s’épuise rapidement.
    — Si vous le souhaitez, je passerai la voir, offrit discrè-
    tement Talham que le pessimisme du capitaine de milice inquiétait.
    Le curé les ramena tous à la raison principale de la réunion.
    — J’approuve votre idée, docteur. Déléguons un marguillier à mon collègue Cherrier pour ne pas l’effaroucher.
    Ces maudites requêtes ont provoqué suffisamment de malheur !
    — Curé ! Quels écarts de langage ! le taquina Monsieur Boileau en souriant.
    — Ah ! Pardonnez-moi, messieurs, se confondit Bédard.
    Mais le grand saint Augustin lui-même en perdrait son latin ! Si vous saviez, mes amis, à quel point mes pensées manquent à la charité chrétienne, ces jours-ci.
    Sa franchise inquiéta les membres de l’assemblée plus qu’elle ne les fit sourire. Ils prirent congé.
    Tandis qu’il s’installait pour rédiger le plaidoyer qu’il destinait au grand vicaire François Cherrier, Jean-Baptisie Bédard songea au mal. L’esprit de Satan était partout, contaminant n’importe quel cœur. La froideur du notaire envers le bon docteur Talham ne lui avait pas échappé.
    Un incendiaire avait souhaité la destruction de l’église de Chambly et les marchands de Pointe-Olivier y cherchaient leur profit! Etaient-ils complices du criminel inconnu? Il se rappela en frissonnant les méfaits du fils Rouville et ce que madame Talham lui avait confié un jour.
    Selon toute apparence, le colonel et le docteur continuaient d’ignorer la vérité. Lui-même était impuissant face au Mal. .
    L’injustice qui frappait son église provoquait chez lui des sentiments jusqu’alors inconnus. Conscient qu’il devait se battre, tous les coups étaient désormais permis. Ses paroles dépassaient la mesure et il ne s’encombrait pas de culpabilité. En faisant son examen de conscience, Jean-Baptiste Bédard constatait avec effroi que lui-même n’était pas {
    l’abri du Mal et commença à rédiger sa lettre.

    *****
    En sortant du presbytère, le docteur offrit au capitaine de le raccompagner chez lui.
    — Venez, Ferrière, je vous raccompagne. Je vous sens préoccupé par l’état de votre épouse.
    — Vous êtes trop aimable, docteur Talham, mais je ne sais pas si ma femme acceptera de vous recevoir, dit le capitaine de milice.
    — On ne sait jamais, déclara Talham, tout en sachant qu’il y avait peu de chance que madame Ferrière accepte.
    La pudeur des femmes tolérait mal la visite médicale intime.
    Mais l’état de madame Ferrière le préoccupait, tout comme le désespoir qui se lisait sur le visage de son époux.
    A la brunante, un vent du nord-ouest s’était levé, soulevant en vagues l’eau du bassin qui avait pris la teinte grise des jours mornes, accompagné d’une petite pluie froide qui gelait les mains de Talham. Il resserra tant bien que mal son manteau de laine bleu foncé, semblable à celui des habitants, tout en tenant de l’autre les rênes du cheval qui tirait péniblement sa calèche.
    Assis à ses côtés, Toussaint Ferrière était perdu dans des pensées qui suivaient le même cours que les chemins étroits et embourbés, indifférent aux intempéries. En passant

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