Marguerite
corde
de
bois
en
bûchettes
et
petit
bois
qu’il
plaçait en belles rangées sous le vaste appentis qui jouxtait la cuisine. Le four à pain, le vieil âtre de la cuisine et le poêle réclameraient bientôt une grande quantité de combustible.
Dans la cuisine, deux filles du fermier Robert suaient à grosses gouttes sous leur coiffe, attendant en tremblant les ordres de la cuisinière que ce branle-bas transformait en véritable maréchal des logis. Ursule se plaignait sans cesse de leur maladresse et Emmélie commençait à se demander si on avait bien fait d’engager les filles de Charles Robert pour donner un coup de main.
— Des bonnes à rien, râla la cuisinière à Emmélie. Je vous jure, mademoiselle, que ça ne sait même pas pétrir convenablement le pain. Et qui va servir à table, demain ?
Certainement pas ces péronnelles, fit-elle en tirant une des jeunes filles par l’oreille.
La pauvrette éclata en sanglots. Emmélie pressentit la catastrophe si Ursule persistait à chanter pouilles à ces fillettes sans défense.
— Ça suffit, Ursule, gronda-t-elle. Augustin s’occupera du service avec Perrine, que j’emprunterai { madame Bresse. Venez, dit-elle aux deux jeunes paysannes.
Emmélie les conduisit dans la grande chambre qu’on n’avait pas encore débarrassée. Les deux paysannes s’arrê-
tèrent à la porte, les yeux écarquillés : la pièce contenait à elle seule plus de meubles que toute leur maison. Ebahies, elles contemplaient le beau mobilier de bois sombre, les jolies chaises au siège fleuri alignées, les tapis jetés sur le plancher, la tapisserie de Bruxelles au mur et les fauteuils capitonnés ; elles n’osaient pénétrer dans un si bel endroit.
La demoiselle Boileau sortit d’un grand buffet l’argenterie à polir.
— Asseyez-vous ici.
Elle désigna deux chaises près de la grande table recou verte de vieux draps. Les jeunes filles, dont la plus vieille n’avait pas quinze ans, s’assirent timidement du bout des fesses, après avoir vivement épousseté leur jupe pour ne pas salir les belles chaises.
— Vous frottez de toutes vos forces, expliqua Emmélie en faisant une démonstration avec un vieux torchon. Personne ne vous dérangera, sauf Augustin qui viendra vérifier votre travail plus tard. Et il est très exigeant !
En voyant leur air effarouché, elle se reprit vivement.
— Soyez sans crainte, Augustin est très doux. Il ne grogne pas et jamais ne se fâche.
Armées de chiffons, les jeunes paysannes se mirent à l’ouvrage, y allant de tout leur cœur pour faire briller les fourchettes, couteaux et cuillères, afin de plaire à la gentille demoiselle Boileau qui les avait sauvées des griffes de la dragonne. Et des réprimandes de leur mère, qui leur avait bien recommandé d’obéir sans rouspéter afin de se montrer dignes du privilège qui échouait à leur famille. Servir chez Monsieur Boileau! C’était tout un honneur, et la mère Robert s’en vanterait longtemps.
Tout en astiquant les beaux ustensiles, elles contemplaient les portraits des maîtres de la maison. Une grande toile de François Malépart de Beaucourt représentait madame de Gannes de Falaise { l’âge de trente-deux ans.
Madame Boileau semblait si vivante que les jeunes filles avaient l’impression que la dame les surveillait. L’autre était la réplique agrandie d’un portrait en miniature du maître de maison réalisé par le grand maître François Baillairgé, du temps où Monsieur Boileau était député à Québec.
— Bon, soupira Emmélie en sortant de la grande chambre. Il y a de quoi les occuper pendant plusieurs heures, se dit-elle tout en songeant qu’elle s’occuperait elle-même de la porcelaine et des verres fins avec l’aide de Perrine, plus tard.
Elle se mit { la recherche de sa mère, qu’elle trouva en compagnie de Sophie, en train de compter les serviettes et les essuie-mains devant la grande armoire en bois du pays, héritée de la famille de Gannes de Falaise.
— Mère, je cours chez les Bresse quérir Perrine. Elle aidera { la cuisine aujourd’hui et Ursule la fera servir à table demain.
— Seigneur! Emmélie, je n’avais pas prévu inviter les Bresse pour ce dîner. Mais nous n’aurons guère le choix. Et que ferons-nous des petites? s’enquit-elle en songeant aux deux jeunes sœurs Sabatté { qui Françoise servait de mère.
— Elles mangeront à la cuisine avec Zoé et les autres enfants. Ne vous en faites pas,
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