Marguerite
patriarche du clan Boileau. Sauf qu’il ne voyait pas comment régler l’affaire.
Il lui fallait réfléchir.
— Diantre, qu’allons-nous faire ?
— C’est pour cela que je suis venue te voir. Tu connais certainement quelqu’un qui accepterait Marguerite comme épouse. Qui ferait un honnête mari à ma fille. Toi seul peux nous sortir de l’ornière dans laquelle ma fille nous a enfoncés. N’importe qui pour éviter le scandale, supplia-t-elle.
Victoire se tut. N’étant pas femme aux longs discours, elle avait déj{ beaucoup parlé. D’ailleurs, il n’y avait rien d’autre à ajouter, songea-t-elle en tordant nerveusement son mouchoir.
Boileau se remit à arpenter la pièce à grands pas, comme si cette activité lui procurerait la solution.
— C’est incompréhensible. Que diable ! Nous veillons sur nos filles d’assez près pour que personne ne les approche à notre insu.
Monsieur Boileau réfléchissait. Qui cela pouvait-il être ?
Un domestique? Marguerite n’aurait pas eu peur d’un simple serviteur. Il s’agissait peut-être d’un homme honorable qu’il saluait tous les jours. Bresse? Le docteur? De Rouville? Juste ciel! Voil{ qu’il se mettait { soupçonner tous ceux qui comptaient dans la seigneurie puisqu’ils étaient tous rassemblés au manoir, ce fameux jour de la Saint-Martin. Assurément, c’était l’un deux. Voil{ pourquoi Marguerite se taisait.
Le mariage. Dans les circonstances, il n’y avait pas d’autres solutions pour étouffer le scandale d’une fille proprement engrossée. Comme on ignorait le nom du coupable, on ne pouvait lui faire endosser sa paternité en l’obligeant à épouser la
mère
de
l’enfant.
Il
aurait
bien
voulu
ne pas être mêlé à cette encombrante affaire, surtout que tout laissait entendre qu’il connaissait le vil individu.
Marguerite était encore jeune, mais à presque dix-huit ans, elle avait un âge suffisamment raisonnable pour se marier. Avec ses bonnes manières et ses charmants talents féminins, Marguerite était aussi jolie que bien apparentée.
Elle aurait été facile { marier, dans n’importe quelle autre circonstance.
— Comment veux-tu que je lui déniche un mari à brûle-pourpoint? Ce n’est pas une simple affaire ! J’ai beau faire mentalement le tour de la famille, et même de la plus éloignée - dans les circonstances, un cousin du troisième degré serait facilement accepté par le curé et l’évêque -, et même parmi mes connaissances et mes relations, je ne vois pas de candidat { marier { l’horizon !
Il s’arrêta un moment devant la fenêtre qui donnait sur le bassin et vit sortir son valet, engoncé dans un capot de laine gris fermé par une ceinture fléchée, capuchon sur la tête, bottes de sauvage aux pieds et pipe au bec, portant deux paquets.
Une idée lui vint.
Somme toute, la solution était peut-être là. Un plan se dessinait peu à peu dans son esprit calculateur qui, une fois mis en marche, allait aussi vivement que les chevaux de ces jeunes freluquets qui coursaient, au sortir de la messe, en dévalant le chemin du Roi, semant la terreur chez les douairières de la paroisse.
Il se retourna vers sa cousine, présentant un visage rasséréné et éclairé d’un large sourire qui la stupéfia.
— Tu penses { quelqu’un, fit-elle, pleine d’espoir. [h ! Je savais que toi seul pourrais nous tirer de ce mauvais pas.
— Ma belle cousine, sèche tes larmes. Oui, j’ai une petite idée. Un espoir ténu, il est vrai. Il faut voir. Qui sait si la réponse n’est pas { notre portée ? Mais il me faudra entreprendre quelques démarches. Je dois immédiatement sortir pour faire quelques visites.
Victoire le regarda, interloquée.
— En premier lieu, il me faut voir de suite messire Bédard, notre curé. Il faut le prévenir, tu t’en doutes bien.
Elle afficha une moue désapprobatrice.
— Oui, comment faire autrement? Je pensais me rendre au presbytère pour lui expliquer notre situation.
— Je me charge de cette pénible démarche. Notre curé est un homme bon. Il saura nous aider. Allons, courage Victoire, l’encouragea le notable.
« Oui, se dit-il, il y a une petite chance, si je parviens à mettre en branle le petit plan qui me vient. J’ai un as dans ma manche, il me suffira de le sortir au bon moment. »
Victoire l’interrogea du regard avec angoisse, puis serra les mains de son cousin dans les siennes.
— Je te sais gré d’aller trouver le curé.
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