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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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que le cabaretier remplissait
    { ras bord les verres d’un mauvais rhum que les habitants avalaient d’un trait.
    La neige crissait sous les pieds de Monsieur Boileau qui marchait d’un pas vif sur le chemin du Roi. L’air du matin le stimulait. Il respira profondément. Il aimait parfois à sortir seul, arpentant les chemins à grands pas comme pour marquer son appartenance au pays. Il se frottait les mains, gardées bien au chaud dans des mitaines doublées, tout en se dirigeant vivement vers le presbytère qui se trouvait à moins de cinq minutes de sa demeure.
    Il trouverait bien le moyen d’arriver { ses fins pour dénicher un bon mari à Marguerite, songeait-il. Mais avant tout, il lui fallait voir le curé. Messire Bédard n’aurait d’autre choix que d’adhérer { son plan. Car, pour lui aussi, la conduite de Marguerite pourrait avoir des conséquences fâcheuses.
    Déjà, en son for intérieur, il se félicitait et remerciait Dieu, en toute modestie, de l’avoir fait si clairvoyant.

    Chapitre 5

    Double concerto au presbytère

    Près de l’église, une belle et vaste maison en pierres flanquée de ses deux cheminées servait de presbytère. De ses fenêtres, on entendait les accents étouffés d’un violon se mêler au son aigrelet d’une petite épinette*, héritage d’un prédécesseur du curé Jean-Baptiste Bédard. Lorsqu’il avait découvert l’instrument dans sa nouvelle maison presbyté-
    rale, une onde de joie avait déferlé dans l’âme du nouveau curé de Chambly.
    L’arrivée du curé Bédard avait aussi mis du baume dans la vie du docteur Talham. «Il a franchement meilleure mine», avait remarqué le chorus des bonnes âmes à la langue bien pendue. Certains jours, on le voyait sourire en guidant sa vieille charrette déglinguée. «Une veuve ? » avait suggéré madame Bresse à madame Boileau. «La musique», aurait répondu la noble dame à la bourgeoise, stupéfaite.
    Jean-Baptiste Bédard était musicien, tout comme son frère Jean-Charles, le sulpicien qui vivait au Séminaire de Montréal. Ce trait de famille se retrouvait aussi chez leur jeune sœur, Marie-Josèphe, qui chantait divinement. La musique !
    Messire
    Bédard,
    pasteur
    aimé
    de
    ses
    paroissiens
    pour sa mansuétude, avait en réalité deux grandes passions : Dieu et la musique. A Dieu, il aurait volontiers consacré une vie faite d’études théologiques, ponctuées de longues méditations, de prières et de cantiques. Mais les voies du Seigneur étant tracées d’avance, ses supérieurs avaient flairé le bon pasteur chez ce prêtre. Il s’était vu attribuer des cures difficiles, celles qui requéraient un homme diplomate dont la sagesse et le doigté ramèneraient les âmes perdues au sein du grand troupeau de Dieu. Monseigneur Denault, l’évêque de Québec - qui par ailleurs résidait dans sa paroisse de Longueuil - avait mandaté Jean-Baptiste Bédard pour remettre de l’ordre dans la turbulente paroisse de Saint-Joseph-de-Chambly. On y comptait encore de ces pères de famille qui négligeaient même de faire leurs Pâques ! Doté d’une forte carrure et d’un regard bienveillant, mais terriblement incisif, le curé ramenait vite le paroissien égaré à de meilleures dispositions sans même avoir à élever la voix.
    Malgré ces indéniables atouts, la tâche s’avérait lourde; Chambly abritait un impressionnant lot d’habitants entêtés et de notables imbus de leurs prérogatives.
    Pour se distraire de l’ampleur de sa tâche, le curé se ménageait des intermèdes musicaux. Le docteur Talham l’accompagnait. Il avait repris son violon, délaissé { la mort de l’épouse adorée et tristement remisé dans un coin du grenier de sa demeure. Tout l’été, les paroissiens se prome-nant sur le chemin du Roi entendaient des sons mélodieux provenant du presbytère. Et lorsque Marie-Josèphe prêtait sa voix au duo, certains croyaient que des anges célestes donnaient un concert. «Ma foi du bon Dieu!» s’était exclamé un jour Monsieur Boileau, au cours d’une modeste réception donnée par le curé pour manifester sa joie d’entendre de si belles choses.
    Ce matin-là, Boileau crut reconnaître une gavotte de Lully.
    «Dieu
    m’entend»,
    se
    dit
    le
    bourgeois.
    Malheureu-
    sement, même s’il appréciait les délices de la musique, il n’avait pas d’autre choix que de l’interrompre. Il toqua plusieurs fois à la porte avant que Marie-Josèphe ne vienne lui ouvrir.
    —

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