Marguerite
Grandeur, que dans de telles circonstances, vous exigeriez un bulletin d'honnêteté publique. Mais je me porte garant du docteur; qui est bon chrétien. Il n'est pas l'auteur de l'épouvantable crime. Outre les parents de la fille, son oncle et le docteur, seul monsieur de Rouville connaît les faits. Ce dernier sera témoin au mariage.
Je vous supplie de considérer cette situation crnime étant la preuve qu'il faut à Chambly un vicaire pour aider le pasteur de cette paroisse à maintenir la moralité. La présence d'une garnison rend les choses extrêmement difficiles. Les officiers exigent de la soldatesque de bien se conduire devant la population, mais il arrive trop souvent des incidents extrêmement fâcheux. Certes, les filles de basse extraction se laissent facilement séduire par l'uniforme, mais cette fois, c'est une jeune fille de bonne famille qui est concernée,
et ses parents sont dans le plus grand des désarrois.
Le curé relut sa lettre. Il préférait attribuer le crime à un soldat plutôt qu’{ une personne bien en vue. Monsieur Boileau avait suggéré cette possibilité, ce qui n’étonnait guère messire Bédard. La présence de soldats était toujours une source d’ennuis. En souhaitant que Monseigneur comprenne bien { quel point il avait besoin d’aide pour bien exercer son ministère, il reprit :
Dans les circonstances, je vous prie instamment, Monseigneur, de faire parvenir la dispense de trois bans le plus tôt possible. Les futurs époux acceptent toutes les conditions habituelles d'un tel mariage. Ils se confesseront la veille de la cérémonie et demeure-ront à jeun jusqiï au moment de la bénédiction nuptiale, qui leur sera donnée avant le lever du soleil et devant les seuls témoins. Je suis persuadé que vous serez touché par la compassion dont fait preuve le docteur Talham et que vous nous répondrez par retour du courrier.
J'ai l'honneur d'être, Votre Grandeur, votre humble et obéissant serviteur,
Jean-Baptiste Bédard, prêtre
«J’espère que cela sera suffisant pour convaincre Monseigneur de l’urgence de la situation», songea avec angoisse le curé. Il n’était pas sans savoir que les situations difficiles se réglaient souvent après avoir franchi nombre d’obstacles.
Le curé reposa sa plume, saupoudra le parchemin de seiche et remit le surplus de poudre dans le sablier. Il cacheta, apposa son sceau et partit { la recherche d’un messager qui porterait rapidement la lettre. Par chance, l’évêque du diocèse de Québec, monseigneur Denault, habitait Longueuil, ce qui raccourcirait d’autant les délais, si tout se passait bien, évidemment. Jean-Baptiste Bédard l’espérait, car il ne pouvait rien faire de plus, sinon de s’assurer que la grossesse de Marguerite Lareau soit tenue secrète jusqu’au jour du mariage. C’était important. S’il était connu, le malheur de cette jeune fille de bonne famille pourrait inciter des jeunes gens pressés à sauter la clôture avant le mariage.
Chapitre 7
La sortie de la messe
— Fiancée au docteur Talham ! s’exclamèrent en chœur Emmélie et Sophie.
— Des noces ! Oh ! que j’ai hâte, poursuivit Sophie, toute joyeuse. Je veux un nouveau jupon avec trois rangs de festons de dentelle et de jolis bas brodés pour l’occasion.
Emmélie, époustouflée, s’arrêta net au milieu du chemin.
Marguerite allait se marier ! C’était donc pour ça qu’on ne la voyait plus. Et avec le docteur Talham, par-dessus le marché !
Cette dernière nouvelle la laissa perplexe. Qu’adviendrait-il de l’amour de René et de Marguerite ? Les regards enamourés de ces deux-l{ n’avaient pas échappés { Emmélie qui avait compris depuis longtemps { quel point ils s’aimaient.
Elle était certaine que son frère gardait espoir d’épouser Marguerite malgré l’interdiction de leurs parents.
— C’est pour quand, tes épousailles ? demanda-t-elle d’un ton curieux.
— Il n’y aura pas de noce, répondit tristement Marguerite.
— Pas de noce ? Mais pourquoi ? demanda une Sophie intriguée.
Marguerite se replia sur elle-même et fit mine de se diriger vers l’église.
— Il vaut mieux que je m’en aille retrouver mon père chez mon oncle Lagus.
— Ah non ! riposta doucement Emmélie en sortant une main de son manchon pour la passer sous le bras de Marguerite.
— Nous avons eu trop de mal à obtenir la permission de te ramener chez nous, ajouta Sophie en attrapant Marguerite de
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