Marguerite
d’un coup : elle en voulait à Marguerite de trahir leurs serments. «Nous avions juré de nous confier nos plus grands secrets ! Et toi, tu tais la nouvelle la plus importante de ta vie ? Et toi, mademoiselle je-sais-tout, fit-elle { sa sœur d’un ton rageur, je parie que tu le savais ! »
Sophie soupçonnait sa sœur aînée de lui cacher des choses qu’elle estimait sans doute trop compliquées pour elle, la cadette. Évidemment que Marguerite avait dû la mettre dans la confidence ! Ces deux-là se disaient toujours tout. Et pourquoi ses parents, toujours les premiers au courant de ce qui se passait dans la paroisse, n’avaient rien dit de ce mariage ? Car, dans le cas contraire, ils auraient abondamment commenté les noces d’une cousine, surtout s’il s’agissait de Marguerite pour qui ils avaient autant d’affection qu’une fille adoptive. Mais Emmélie s’empressa de la détromper.
— Je t’assure, Sophie, que je n’avais jamais entendu parler du mariage de Marguerite avant aujourd’hui.
C’était vrai. Marguerite était devenue invisible. On ne la voyait plus à la grand-messe. Sa mère justifiait son absence par un débordement de travail à la ferme. Marguerite faisait la cuisine. Marguerite cousait. A entendre Victoire, il y avait sans cesse de la laine à filer, des vêtements à repriser.
Même si elle en mourait d’envie, Marguerite hésitait {
se confier. L’agressivité inattendue de Sophie la désarçonnait. Plus sa cousine semblait fâchée, plus elle s’enfonçait dans un silence angoissé.
— Je. . Je ne dois pas en parler.
— Très bien. Si tu ne veux pas en parler, tais-toi, bien que je ne te comprenne pas, lui reprocha Emmélie. Ne sommes-nous pas cousines et amies liées par le cœur et par le sang?
— Ce n’est pas ça. C’est juste que je ne peux rien révéler.
Sinon, je serai damnée, ajouta-t-elle d’une voix troublée.
— Damnée ? Que dis-tu l{, Marguerite ? C’est impossible, tu ne peux pas être damnée, soutint Emmélie. Tu es pourtant bonne chrétienne, toujours si gentille et serviable.
Marguerite baissa les yeux, désemparée. Une force puissante la poussait à tout révéler à Emmélie, à lui confier son secret, du moins, une petite partie.
— Emmélie, je ne sais pas comment dire. .
— Parle simplement, ma douce, fit Emmélie. C’est le chemin le plus facile.
Encouragée, Marguerite murmura :
—J’ai la maladie. Je suis grosse.
— Tu veux dire que tu attends un enfant ? Mais c’est impossible ! s’exclama Emmélie, stupéfaite par l’aveu de son amie.
— Mais tu es folle, Marguerite Lareau ! s’écria en même temps Sophie, scandalisée.
Le sermon du curé lui revint soudainement.
— L’immoralité. . c’était pour toi. Il parlait de toi !
— Sophie, reprends-toi, voyons, plaida Emmélie pour tempérer la vindicte de sa sœur. Le curé faisait allusion {
un homme !
— Un ou une, c’est le même péché ! Tu as forniqué avec le vieux docteur et le curé l’a appris. Il attend tes aveux.
Pouah ! C’est dégoûtant. Je te déteste.
— Sophie, tu es trop dure. Tu condamnes sans savoir.
Emmélie défendait Marguerite qui cachait son visage dans ses mains.
— Tu ferais mieux de tout nous dire, dit-elle à Marguerite.
La vérité vaut mieux, sinon, on imagine le pire.
— Moi, je ne veux plus rien entendre, déclara Sophie, bouleversée. Je refuse désormais d’adresser la parole { cette fille perdue !
Incapable de supporter plus avant les confidences de Marguerite, la jeune fille sortit vivement de la pièce. Il lui fallait impérativement voir sa mère.
— Je dois partir, dit rapidement Marguerite à Emmélie, avant que tes parents ne me jettent à la porte comme une moins que rien !
— Que t’est-il arrivé pour qu’on te fasse épouser le docteur Talham en cachette? Je veux simplement comprendre. Tu sais bien que mon affection ne changera pas.
Je suis certaine que tu n’as rien fait de mal. Ce n’est pas toi, je te connais trop.
— Emmélie, si seulement je comprenais moi-même, répondit sa cousine en réprimant un sanglot. Ton père est au courant de. . mon état. Ma mère lui a tout dit et c’est lui qui a arrangé mon mariage avec le docteur.
— Mon père ? Ressaisis-toi, consola Emmélie en prenant la main de Marguerite, et raconte-moi tout.
— Oui, quand ma mère lui a appris. . ma faute, hoqueta Marguerite en tordant nerveusement son mouchoir dans scs mains, mon oncle Boileau
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