Marguerite
devenu le collège Saint-Raphaël, qu’on appelait communément le collège de Montréal. La ville était qua-drillée de rues qu’énuméra machinalement Talham { l’intention
de
Marguerite:
Saint-Claude,
Saint-Jean-Baptiste,
Saint-Gabriel, Saint-Vincent, Saint-Joseph, dissimulant une angoisse qui Pétreignait tout à coup.
Le docteur appréhendait les heures qui allaient suivre.
Comment allait réagir Marguerite ?
Ce serait la première fois qu’ils se retrouveraient seuls, Marguerite et lui, sans famille, ami ou domestique entre eux.
Près de son mari, la jeune femme fuyait maintenant son regard, évitant d’engager la conversation, s’efforçant de se laisser captiver par l’atmosphère ambiante, comme pour étirer les dernières minutes avant de se retrouver seule, dans une intimité nouvelle qui l’effrayait.
A Montréal, les gens déambulaient dans des rues dont on ne voyait pas la fin, des soldats en rangs se déplaçaient vers les casernes et les carrioles étaient innombrables. Les maisons n’étaient séparées les unes des autres que par un espace d’une dizaine de pieds, lorsqu’il y en avait un.
Plusieurs étaient construites en pierres et juxtaposées les unes aux autres, mais la plupart étaient faites de bois.
A Chambly, il y avait le chemin du Roi, le chemin de la Petite Rivière et le chemin neuf qui menait à Saint-Jean. Il n’y avait qu’au faubourg Saint-Jean-Baptiste où l’on voyait des habitations aussi rapprochées. En pensant à son village, une vague de nostalgie lui remonta à la gorge.
Devant la place du vieux marché, des marchands rangeaient rapidement leurs étals avant que la noirceur ne s’installe définitivement.
— Il paraît qu’on déplacera bientôt le marché pour l’agrandir, commenta Talham pour rompre le silence embarrassant, lorsqu’ils empruntèrent la rue Saint-François-Xavier pour monter vers la haute-ville jusqu’{ la rue Notre-Dame.
Le cocher rebroussa chemin pour arriver sur la place d’Armes, ou place de la Parade, derrière l’église Notre-Dame. A cette époque de l’année, les grands feuillus et les arbres fruitiers ne laissaient poindre que leurs longues branches grises et dénudées. Chacune des maisons était flanquée de remises, de hangars et d’écuries. La neige avait enseveli les grands jardins des cours arrière.
— Au printemps, mentionna Talham, l’air de Montréal est délicieusement parfumé. Les jardins des Montréalistes*
sont magnifiques avec des poiriers et des pommiers chargés de leurs beaux fruits { la fin de l’été. Au-delà des fortifications, nombreux sont les bourgeois de cette ville qui, à l’instar des Papineau, possèdent de grands vergers.
— Les fortifications, c’est cette immense muraille qui entoure la ville ? demanda Marguerite, curieuse. Chez nous, les maisons sont { l’extérieur des murs. Ici, c’est tout le contraire.
— Excellente observation ! la complimenta Talham pour l’inciter { poursuivre la conversation. Ces murailles ont été érigées pour protéger la ville contre les attaques iroquoises, il y a bien une centaine d’années de cela. Comme elles sont devenues inutiles, on parle de les démolir prochainement.
Au loin, derrière les fortifications, le terrain remontait en pente douce pour se fondre dans les flancs d’une montagne qui dominait tout le territoire environnant. En surgissant de la
plaine,
elle
attirait
irrésistiblement
le
regard
et impressionnait Marguerite, qui n’en avait jamais vue d’aussi près. Du village de Chambly, au-delà du bassin, on apercevait les monts de Rouville et de Boucherville, ainsi que la montagne de Rougemont. Mais ce n’étaient que des silhouettes floues qui s’estompaient dans le paysage dès que le temps devenait gris ou mauvais.
— Il y a d’autres villages, l{-bas, de l’autre côté, vers la montagne ? demanda-t-elle encore.
— On l’appelle le mont Royal, répondit Talham. Vous a-t-on déj{ appris qu’autrefois, Montréal s’appelait Ville-Marie ? Mais la ville a finalement adopté le nom de cette belle montagne située au cœur de l’île nommée aussi Montréal. De ce côté, dit-il en désignant le nord-ouest, il y a les faubourgs Saint-Laurent et Saint-Antoine. Vous voyez, là-bas, on aperçoit le domaine des MacTavish. Et de l’autre côté, vers l’est, c’est le faubourg Québec. Mais nous voici arrivés.
*****
Le soleil se couchait et les cloches sonnaient à tout rompre
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