Marilyn, le dernier secret
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In Marilyn, The Last Take, op. cit.
90. Téléphone
Lentement, le domicile de l'actrice s'enfonça dans la nuit.
Marilyn, qui n'avait rien avalé depuis son petit-déjeuner frugal, avait rejoint sa chambre, tirant derrière elle le long fil de son téléphone privé. Comme de coutume, elle escomptait passer les prochaines heures à multiplier les appels, tentant de trouver une voix rassurante dont le tempo parviendrait à la bercer jusqu'au sommeil.
Dans le salon, Eunice Murray s'était installée devant la télévision.
Tout juste après 19 h 15, Joe Di Maggio Jr téléphona pour la troisième fois de la journée. Le fils de l'ancien mari de Marilyn, alors basé à Camp Pendleton, avait appelé sur la ligne « publique » de Marilyn, celle ouverte à certains journalistes et aux contacts professionnels. Eunice Murray avait donc répondu et, après avoir vérifié que sa patronne ne dormait pas, avait accepté l'appel en PCV. Le jeune soldat tenait à dire à Marilyn, qu'il avait toujours considérée comme une amie de confiance, que, suivant ses conseils, il renonçait à épouser sa fiancée du moment. La conversation dura une vingtaine de minutes.
Dans la foulée, l'actrice appela le Dr Greenson afin de lui faire partager ce qu'elle considérait comme une bonne nouvelle. La porte de la chambre étant ouverte, Eunice Murray capta quelques bribes de cette courte communication avec le médecin. L'assistante en déduisit que Marilyn était dans un « très bon état d'esprit ».
Quelques minutes plus tard, l'actrice confia le téléphone à Murray et, après lui avoir souhaité une bonne nuit, retourna dans sa chambre.
Il était approximativement 19 h 40, ce samedi 4 août 1962.
*
Environ une heure et demie après l'appel de Di Maggio Jr, la ligne principale sonnait à nouveau.
Milton Rudin, l'avocat de Marilyn, venait s'enquérir de sa santé. Une vingtaine de minutes plus tôt, il avait reçu un appel urgent de Milton Ebbins, agent du comédien Peter Lawford, beau-frère de JFK et mari de Pat Kennedy, l'une des plus proches amies de la star. Lawford, rongé par l'alcool et la drogue, craignant le poids du scandale si cette dépendance devenait publique, se reposait en tout sur Ebbins. Chaque décision, chaque geste de l'acteur britannique devaient obtenir l'aval de ce manager [1] .
Or vers 20 h 15, Lawford lui avait téléphoné, visiblement inquiet. Quelques minutes plus tôt, alors qu'il parlait à Marilyn, le comédien avait trouvé de plus en plus incohérents les propos de l'actrice. Le rythme de ses mots avait même considérablement ralenti jusqu'à s'interrompre au beau milieu d'une phrase. Lawford avait hurlé au téléphone afin de la secouer, mais il n'avait plus rien entendu. Pensant à un problème technique, il avait demandé à l'opératrice de le reconnecter au numéro privé de Monroe. La tentative avait échoué, comme si, dans la chambre de la star, le combiné n'avait pas été raccroché.
Impulsivement Lawford se serait volontiers précipité au 12305 Fifth Helena Drive, situé à quelques minutes à peine de son domicile. Mais, avant de rejoindre son véhicule, il avait préféré contacter Milton Ebbins.
Constatant que son client était passablement éméché, ce dernier lui déconseilla formellement d'entreprendre cette démarche. Après tout, il était un acteur, également beau-frère du Président et, à ce titre, ne pouvait se permettre d'être mêlé à un scandale. Ebbins affirma comprendre l'urgence mais suggéra à Lawford de patienter chez lui tandis que lui-même tentait d'éclaircir les choses. Après tout, peut-être s'agissait-il d'une fausse alerte ?
Ebbins téléphona donc à Rudin, lequel n'était pas seulement l'avocat de Marilyn Monroe, mais aussi le beau-frère du Dr Greenson. Quelqu'un au fait de l'état de santé de la star.
L'agent de Lawford avait mis une bonne dizaine de minutes à localiser Rudin, lequel participait à une soirée au domicile de la veuve du manager de Sinatra. C'est donc vers 20 h 45 que Ebbins informa Rudin des craintes de Lawford.
Une dizaine de minutes plus tard, le téléphone sonna chez Monroe. Eunice Murray répondit et rassura l'avocat : Marilyn se trouvait dans sa chambre et dormait. Comme il le dira plus tard au détective Byron, Milton Rudin en conclut que l'appel de sa cliente à Lawford relevait de ses habituelles demandes d'attention.
Après avoir informé Ebbins, qui prévint à son tour Lawford,
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