Marilyn, le dernier secret
les démons. Soutenir ce regard. Ne pas s'en détourner.
Rapidement, le mélange chimique commencerait à la submerger.
Elle n'aurait même pas le temps d'avoir peur.
Tout allait ralentir, se brouiller, s'adoucir et, enfin, s'effacer.
Bientôt, ce serait terminé.
Les illusions, les silences, les confidences et les mensonges.
Une vie.
*
Tout ne pouvait s'achever ainsi. Sans traces.
Il lui fallait s'assurer que rien ne disparaisse avec son dernier souffle.
Elle devait parler.
Partager, offrir et avouer.
Elle devait le faire pour elle, pour lui, et pour cette voix qui n'avait jamais cessé de l'habiter.
En fait, ce choix ne lui appartenait plus. Bientôt, il serait trop tard. Et les ombres allaient se dérober, et les noms disparaître.
Aujourd'hui, ses options étaient limitées. Il n'y avait que lui pour, une fois encore, l'entendre.
Dès leur première rencontre, quelque chose dans la douceur de son regard lui avait inspiré confiance.
Peut-être se trompait-elle ? Mais elle aimait croire qu'il savait l'écouter.
Alors, parce que les minutes avaient à son âge des accents d'éternité, elle se tourna vers la lumière.
Le temps était venu.
Après des années à brouiller les pistes, à cultiver l'esquive, à taire la vérité, sonnait l'heure des explications.
*
Une nouvelle fois, Steven Miller avait répondu à l'appel de la sonnerie.
Il faisait nuit noire mais Eunice ne dormait pas.
Elle n'avait laissé aucun répit à l'infirmier, sachant que la moindre hésitation lui serait fatale.
Son ton était définitif, presque tragique.
« Eunice m'a immédiatement dit qu'elle avait des choses importantes à me révéler. Je n'ai même pas eu le temps d'ajouter quoi que ce soit. Elle s'est aussitôt lancée. »
L'empressement de l'ancienne assistante de Marilyn n'avait pas surpris l'infirmier : « Je pense qu'elle savait qu'elle était arrivée au bout du chemin et souhaitait me raconter ce qui s'était passé avant qu'il ne soit trop tard. »
Le flot des paroles de la vieille dame trahissait l'urgence du moment : « Lorsqu'elle a commencé, elle ne s'est plus arrêtée. C'était comme si un énorme poids disparaissait enfin. Un peu comme… »
L'infirmier s'était tu. Au téléphone, il cherchait les mots justes.
De mon côté, je retenais mon souffle, sachant que la moindre distraction risquait de briser le flux des souvenirs.
Enfin, Steven Miller reprit : « En fait, le moment qui m'a le plus marqué est venu avec la fin. Elle était en larmes mais, en même temps, elle respirait la quiétude. Oui, l'idée est juste. C'était exactement comme si elle venait de soulager sa conscience. »
*
Steven Miller conservait un souvenir vivace des confessions d'Eunice Murray.
Si je n'avais pas les moyens de vérifier certains de leurs aspects, d'autres s'assemblaient parfaitement dans le puzzle que je tentais de terminer depuis longtemps et dont il ignorait tout.
La conversation avec l'infirmier ne modifia en rien mes conclusions. Au contraire, elle les renforça. Au bout de ma route, j'avais enfin l'intime conviction de connaître les circonstances exactes de la mort de l'actrice.
La prochaine étape coulait de source.
Cela faisait plus de quarante-cinq ans que Marilyn Monroe attendait.
Le temps était venu de dévoiler son dernier secret.
Neuvième partie
Failles
89. Jardin
Le samedi 4 août 1962 ressemblait à la veille.
Certes, le cœur de Los Angeles battait un peu moins fort. Mais, comme depuis des jours, le souffle chaud du Santa Ana enrobait la ville. Le vent arrivait avec le printemps et disparaissait dans les premiers frimas de l'hiver.
En Californie, cet alizé avait une sale réputation. Sec, il favorisait les risques d'incendies. Mais surtout, à en croire les autochtones, celui que certains surnommaient El Diablo avait, parait-il, le pouvoir de rendre fou. D'accélérer les divorces des couples fragiles, de pousser au crime les caractères excédés et d'encourager au suicide les désespérés.
Le vent, la lune, la peur… Qu'importe ! Le résultat était le même, une fois de plus, Marilyn entamait sa journée assommée par le manque de sommeil.
*
Son programme du 4 août 1962 était relativement léger.
Les jours précédents, Marilyn avait réussi à trouver un terrain d'entente avec les dirigeants de la 20th Century Fox. La reprise du tournage de Something's Got to Give sans George Cukor derrière la caméra était annoncée pour la rentrée et il
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