Marilyn, le dernier secret
du patron était salée. Mais le festin loin d'être terminé.
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Neuf mois après l'assassinat de son frère, RFK quitta le gouvernement de Lyndon Johnson. Demeurer dans cette équipe devenait impossible pour lui : l'abîme était trop grand, l'épreuve trop lourde.
Bobby avait même hésité à abandonner la vie politique elle-même. Avant, en dernier ressort, de se ressaisir en se convainquant que cela reviendrait à trahir la mémoire de son aîné. JFK n'avait-il pas dit, lors d'un discours de 1960, que la nouvelle génération devait reprendre le flambeau ?
En août 1964, l'ancien Attorney General annonça sa candidature au poste de sénateur de New York. Face à lui, il avait Kenneth Keating, un opposant républicain coriace, mais aussi ses propres alliés, lui-même ne faisant pas l'unanimité au sein de son propre parti.
Pour Hoover, une défaite de Bobby à New York signifierait sûrement la fin des ambitions politiques de son ennemi intime. Le patron du FBI recourut alors à ses méthodes douteuses. Et fit appel à… Frank Capell.
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The Strange Death of Marilyn Monroe , livre dont les conclusions ont, à travers les années, inspiré Norman Mailer, Robert Slatzer, Anthony Summers, Don Wolfe et tant d'autres, fut créé comme l'arme fatale anti-RFK, l'outil de propagande destiné à éliminer Bobby.
Sa publication fut directement liée à cette campagne. De fait, le petit livre rouge prétendant que RFK avait ordonné à des tueurs communistes d'assassiner Marilyn pour éviter des révélations sur Cuba fut largement, et gratuitement, distribué à New York [1] .
La circulation de « l'œuvre » de Capell ne passa pas inaperçue dans les camps démocrate et républicain. À tel point qu'elle joua probablement un rôle dans la victoire plutôt étriquée de RFK. Pis, en plus d'un effet politique négatif, le pamphlet ouvrit les vannes de la presse populaire. Pour la première fois, ces médias s'interrogèrent sur la nature de la relation entre Bobby et Marilyn, certains répétant et validant sans retenue les propos tenus par l'allié du directeur du FBI.
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Hoover contribua beaucoup à ce succès. La parution du libelle entrait dans ses vues. Depuis août 1962 et la phrase humoristique de RFK, le patron du FBI était obsédé par le mystère du 12305 Fifth Helena Drive. Non seulement parce qu'il touchait un adversaire, mais aussi parce que les opinions de l'actrice la plaçaient, à ses yeux, dans le clan des ennemis.
Son mariage avec Arthur Miller, un récent voyage à Mexico – où elle avait fréquenté des Américains ayant quitté le pays à la suite de la chasse aux sorcières lancée par le sénateur McCarthy –, pour lui Monroe était clairement de gauche. Aussi, sur ordre spécial du patron, l'ensemble des agents du FBI avait-il reçu pour consigne de rester aux aguets. Une instruction qui concernait même ceux installés à l'étranger. De fait, on voit dans le dossier du FBI des rapports d'analyses de coupures de presse fournis par des personnes en poste jusqu'en Europe.
L'un, émis de Paris, contenait par exemple un article paru dans France Dimanche , le 27 mars 1963. Lequel papier prétendait que Marilyn s'était probablement suicidée, Bobby Kennedy ayant décidé de mettre fin à leur prétendue histoire d'amour. Les commentaires accompagnant cette copie traduisent toutefois le peu de choses sérieuses récupérées dans cette chasse dirigée par Hoover : « Pourquoi perdre du temps ? France Dimanche est l'un des leaders de la presse pornographique de Paris [2] . »
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C'est précisément parce que la pêche de ses agents ne s'avérait pas miraculeuse que Hoover vantait, en privé, le travail de Capell, le recommandant par exemple à Walter Winchell.
Le directeur du FBI croyait-il aux conclusions de l'extrémiste de Statten Island ? En tout cas, c'est en avant-première, le 5 juillet 1964, qu'il s'était empressé de prévenir Bobby de la sortie de The Strange Death of Marilyn Monroe . Sous couvert d'inquiétude – vraie ou fausse ? – il présentait le pamphlet avec le plus grand sérieux : « Le livre de Capell fera état de votre prétendue amitié avec la regrettée Mlle Monroe. M. Capell a affirmé qu'il indiquerait dans son livre que vous étiez intime avec Mlle Monroe et que vous étiez dans la maison de Mlle Monroe au moment de sa mort [3] . »
Évidemment, RFK n'avait pas daigné répondre à cette mise en garde.
Le crédit accordé
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