Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
Vom Netzwerk:
danseuse ! Vivement !  
    Hazembat esquissa un salut, descendit au poste d’équipage et s’assit sur son hamac, la tête pleine d’idées qui se bousculaient. Jantet passant à deux encablures de lui, cela donnait déjà de quoi penser, mais ce qui le troublait le plus, c’était la brève réapparition d’O’Quin dans le regard de Bottereaux.  
    O’Quin était à Baltimore quand lui-même, quatre ans plus tôt, s’y était embarqué sur l’ Abigail. Certainement, il n’avait pas dû rentrer en France où, maintenant, il devait être considéré comme un émigré. Etait-il resté en Amérique ou avait-il rejoint sa famille en Irlande ? De quel côté des canons était-il ? Bottereaux était du côté de la République, bien sûr, mais quelle république ? Alexis Prunes Duvivier, l’ancien conseiller au Parlement de Bordeaux, devenu planteur à Baltimore, était républicain, mais il avait émigré et possédait des esclaves. Jean-Baptiste Boyer-Fonfrède, l’ami des frères Lafargue, était républicain, mais on l’avait guillotiné. O’Quin était français et avait porté le bonnet rouge, mais il faisait des affaires avec les Anglais. Hazembat prenait conscience d’un monde étrange où se jouait un jeu subtil, cruel et feutré dont les acteurs ne savaient pas quel rôle on leur faisait tenir. A la Guadeloupe, Victor Hugues, au nom de Robespierre, guillotinait les planteurs blancs et les nègres républicains, mais épargnait les amis de Tallien qui avait fait guillotiner Robespierre après avoir guillotiné les suspects, les Girondins, les dantonistes et bien d’autres. Le même Victor Hugues donnait, puis retirait ses lettres de course au capitaine Lesbats qui avait massacré des équipages entiers, puis s’était fait sauter avec son navire, entraînant dans la mort le maître Roumégous qui, sur une plage de Cuba, achevait les blessés et avait tué Sam Billings, le joyeux marin américain de l’ Abigail. Pourquoi ?  
    Marin de la République, c’est ce qu’il avait toujours rêvé d’être, depuis ce jour de 1790 où, à douze ans, il guidait sur la Garonne les barges de Roumégous, chargées d’armes, pour aller délivrer les patriotes emprisonnés à Montauban.  
    Mais de quelle république ? Probablement pas celle des Bottereaux et des O’Quin. Celle de la guillotine, comme Gavache, le conspirateur ivrogne ? Celle de Bonaparte, comme le colonel François Labat, dit Hardit ? Celle du papa Lafortune qui disait que ce que les Français avaient fait, les nègres pouvaient bien le faire pour eux-mêmes ?  
    Il haussa les épaules et s’étendit dans le hamac. L’important, dans tout cela, c’est qu’on lui avait dit qu’il était bon timonier, peut-être aussi bon timonier que Jantet était bon charpentier. La pensée l’apaisa et il s’endormit.  
    Au début de l’An  V II, commencèrent à circuler, au hasard des escales, des bruits contradictoires sur un triomphe de Bonaparte et sur un désastre de la flotte française en Egypte. Les marins étaient plus sensibles au deuxième événement qu’au premier. C’est à Brest qu’Hazembat entendit prononcer pour la première fois le nom d’Aboukir. Une agitation inaccoutumée régnait dans le port, mais on sentait que le moral de la marine était atteint.  
    Dans les semaines qui suivirent, des bagarres éclatèrent souvent entre soldats et matelots. Les Vendéens de l’équipage semblaient y prendre un plaisir suspect. Plusieurs d’entre eux tâtèrent du chat à neuf queues, mais ni Hazembat ni Verdier ne se firent prendre. Leur punition, à vrai dire, avait été assez douce, car Verdier gardait en réserve, au fond de son fardage, une marie-jeanne d’eau-de-vie, et la paie, en fin de compte, personne ne l’avait encore touchée. Leur amitié s’était resserrée après l’algarade. Pendant le deuxième mois de la punition, Verdier partageait sa ration de vin avec Hazembat.  
    Le soir du 3 Nivôse de l’An  V II – c’est-à-dire le 24 décembre 1798 –, le Mathurin-Mary toucha Roche-fort qui était en fête, non à cause de Noël, mais pour honorer l’équipage de la Bayonnaise qui, dix jours plus tôt, avait capturé une frégate anglaise au large de Ré.  
    La corvette était à l’ancre devant le quai quand le lougre vint se ranger non loin d’elle. Dans les tavernes bondées, Hazembat, suivi de Verdier, se fraya un chemin parmi les matelots hilares. Il finit par trouver les charpentiers

Weitere Kostenlose Bücher