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Mélancolie française

Mélancolie française

Titel: Mélancolie française Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Zemmour
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débutait qui ne s’achèverait qu’en 1942, lors de l’entrée en guerre de l’Union soviétique.
    La paix devint la valeur suprême de la gauche, dès après le « plus jamais ça » de 1914-1918 ; mais elle ne renonça pas à sa quête de l’unité du continent européen, la nostalgie inconsciente de la « paix romaine », quitte pour certains à l’accepter sous le drapeau germanique, vérifiant l’âpre constat dressé par Drieu La Rochelle dans son célèbre roman L' Homme à cheval : « Q u’est-ce qu’un palais bolivien pour celui qui a rêvé de l’Amérique ? Sa patrie est amère à celui qui a rêvé l’empire. Que nous est une patrie si elle ne nous est pas une promesse d’empire ? »
    À l’enterrement d’Henriot, le chantre radiophonique de la Collaboration exécuté en 1944 par la Résistance, un orateur n’hésita pas à le comparer à Jaurès : tous deux morts pour la paix avec l’Allemagne.
    Déjà, lorsque le gouvernement avait arrêté l’offensive de Nivelle en 1917 et ôté son commandement au général Mangin, Briand, lui aussi au placard, et grand connaisseur des arcanes parlementaires, avait décrypté pour le naïf général la manœuvre dont il avait été victime : « Ils veulent mener une guerre de gauche, c’est-à-dire qu’ils souhaitent une paix imposée non par la victoire, mais par le blocus et par la supériorité numérique due à l’arrivée des Américains. Ils ne veulent pas de victoire militaire française, de peur de la répercussion qu’une victoire pourrait avoir sur les élections. Attendre l’arrivée des Américains puis démobiliser progressivement en s’arrangeant pour ne pas faire des élections tout d’un coup. Pétain est leur homme pour cela. » Avant de conclure, sibyllin : « C’est toujours l’affaire Dreyfus qui commande tout. »
    On ne comprend goutte à cette phrase absconse si on s’en tient à l’historiographie traditionnelle qui nous a enseigné la vision des deux France, de droite et de gauche, la réactionnaire et la progressiste, l’antisémite et l’antiraciste, celle des catholiques et celle des Lumières. L’affaire Dreyfus est une des balises les plus célébrées de notre glorieux chemin historique. La formule de Briand devient lumineuse si on suit, comme l’a fait l’historien israélien Simon Epstein, dans son livre Un paradoxe français , des dreyfusards, encore jeunes pendant l’Affaire, jusqu’à la fin de leur vie : « Les dreyfusards, sous l’Occupation, verseront majoritairement dans le pétainisme ou d’autres formes de collaboration, au point qu’on peut dire – après avoir enfilé une bonne cotte de mailles – que la collaboration, pour beaucoup d’entre eux, fut bien plus la continuation du dreyfusisme qu’elle n’en fut la négation. Cette vérité est indicible, elle porterait durement atteinte au message éducatif porté par l’Affaire et elle heurterait de front l’un des acquis les plus sacrés de l’idéologie franco-républicaine. Préserver l’aura du dreyfusisme et la pureté des dreyfusards est d’une simplicité déconcertante : il suffit de ne pas prolonger les biographies au-delà, mettons, de la Première Guerre mondiale. Les années ultérieures se perdent dans un épais brouillard que les historiens, dans leur quasi-totalité, ne chercheront pas à dissiper. » Ces listes interminables, édifiées par Epstein, de radicaux, socialistes et communistes, devenus collaborateurs en 1940, nous font comprendre que nous sommes loin des dérapages d’un Déat ou d’un Doriot.
    Le vrai clivage politique qui éclaire l’histoire de la France du XX e siècle n’est pas entre la droite et la gauche, mais entre la guerre et la paix, entre la nation et l’empire.
    La gauche fut majoritaire à Vichy, et surtout à Paris, au milieu des collaborateurs ultras, nazis de passion plus que de raison, parce que c’est dans la gauche qu’à partir de cette Union fraternelle de l’Europe promise jadis par Lamartine, reprise après la guerre de 1914 par Briand, le pacifisme est chez lui dans ses murs ; et que la gauche révolutionnaire, jacobine avait fait jadis de l’empire, de la défense a minima des frontières naturelles, sous Napoléon, son ultime projet politique, après que ses ambitions démocratiques eurent sombré dans la fureur sanguinaire de la Terreur ou la concussion des satrapes du Directoire. Puisque la France et sa Grande Armée ne pouvaient plus imposer « la paix romaine

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