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Mélancolie française

Mélancolie française

Titel: Mélancolie française Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Zemmour
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inverse, Simon Epstein exhume l’un des secrets bien gardés de la République, à savoir la domination sans conteste, à Londres et dans les premiers maquis, de la gente d’extrême droite, antidreyfusards vieillissants, militants juvéniles de l’Action française, admirateurs éblouis de Charles Maurras, souvent antisémites, parfois même cagoulards, qui surmontèrent difficilement leurs préventions à l’égard des Juifs et des Anglais, pour se battre à leurs côtés sous l’étendard glorieux de la France libre gaulliste et de la Résistance. Georges Valois, fondateur du Faisceau, embryon de mouvement fasciste dans les années 1920, périra à Bergen-Belsen ; Jacques Arthuys, dirigeant de son organisation civile et militaire (OCM), périra lui aussi en déportation ; Philippe Barrés, le fils de Maurice Barrés, sera gaulliste ; Jacques Debû-Bridel, André Rousseaux, Philippe Lamour. « À lire les noms, à étudier les biographies et à évoquer les destins de ces membres du Faisceau, on en vient à penser – en forçant, bien sûr, la boutade à l’extrême – que, si la France a collaboré, ce n’est pas d’avoir été trop fasciste, ce serait plutôt de ne l’avoir pas été assez…»
    Mais l’arbre Maurras cacha la forêt des résistants maurrassiens. Nouveau paradoxe français pointé par Simon Epstein : « Que le pacifisme fut le vecteur principal de la collaboration, que les pacifistes furent nombreux à collaborer, et qu’ils fournirent de très nombreux collaborateurs, que la gauche fut dominante dans la collaboration parce qu’elle fut dominante dans le pacifisme – toutes ces vérités dérangeantes échapperont aux politiciens, aux polémistes et aux historiens soucieux d’inculper "toutes les droites" et de leur faire porter le chapeau exclusif des erreurs, des trahisons et des crimes qui ont endeuillé, à jamais, les années 1940-1944. Ils chargeront Maurras de forfaits commis par des gens qui, pour beaucoup, étaient des anti-maurrassiens endurcis. Ils s’acharneront sur La Rocque, qui, vraiment n’y était pour rien. Ils débusqueront des "fascistes" un peu partout, y compris (et surtout là) où il n’y en avait pas et ils ignoreront les pacifistes, intransigeants et candides à la fois, qui se fascinèrent pour l’Allemagne de Hitler autant qu’ils s’étaient pris d’empathie, quelques années auparavant, pour celle de Stresemann. Ils poursuivront de leur vindicte ceux qui disaient "mieux vaut Hitler que Blum" ou "mieux vaut Hitler que Staline" mais déborderont de prévenance pour ceux qui, au même moment, avec autant de souffle et autant de conviction, scandaient : "Mieux vaut la servitude que la guerre". »
    La droite mourut d’un crime majoritairement commis par la gauche (hormis les communistes, bien sûr, mais à partir de juin 1941). La droite perdit son influence sur les esprits via l’université, mais surtout renonça à ce qui faisait sa limite, mais aussi sa grandeur : le conservatisme. Elle adopta le zèle frénétique de l’époque, le mouvement perpétuel confondu avec le progrès, et battit en retraite devant les exigences d’un marché dont elle s’enticha, sans se rendre compte que la domination sans partage de celui-ci imposait la mort de tout ce à quoi elle tenait : famille, travail, patrie. La droite française n’avait pas lu Marx ! Seul le général de Gaulle tenta l’impossible synthèse, le mouvement et le conservatisme, la droite et la gauche, la nation et l’Europe, l’autorité de l’État et la démocratie, l’industrialisation à marches forcées et le respect des traditions, la massification de l’école et le maintien du niveau scolaire, l’alliance américaine et l’affirmation de la puissance française. Mais son suicide électoral de 1969 sonna comme le renoncement du grand homme à tenir ensemble tous les fils d’une époque qui le portait où il ne voulait pas aller.
    Mai 68 tua de Gaulle parce qu’il dévoila le mystère de sa gloire, en révéla les aspects ridicules, lorsque des jeunes gens de vingt ans désarmés l’imitèrent, le singèrent, le parodièrent, en faisant du verbe leur seule arme de destruction massive. La « déconstruction » deleuzienne avait joué à plein son rôle nihiliste. De Gaulle ne survécut qu’en mimant une dernière fois la montée aux extrêmes de la guerre civile, par sa « fuite » à Baden-Baden, en concentrant des troupes aux portes de Paris. Puis, humilié, il trouva

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