Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Mélancolie française

Mélancolie française

Titel: Mélancolie française Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Zemmour
Vom Netzwerk:
voie » révolutionnaire française ne tint pas le choc. Son expansion mondiale fut contenue, puis marginalisée ; les soldats de l’an II de l’art finirent derrière une ligne Maginot. Le grand projet gaullo-malrucien, pourtant poursuivi avec une rare constance, voire obstination, par tous leurs successeurs, de droite comme de gauche, de Michel Guy sous Pompidou à Jack Lang sous Mitterrand, jusqu’à Jacques Chirac qui contraignit le conservateur du musée du Louvre à abriter une exposition permanente d’arts « premiers », avant qu’un musée entier quai Branly ne fut consacré à leur gloire, ne tint pas ses promesses.
    Fumaroli a sans doute raison de mettre au pilori le choix à la fois élitiste et moderniste, « spenglero-marxiste », comme il dit drôlement, de Malraux. D’autres exégètes, peut-être plus prosaïques, incrimineront les rapports de force militaires et économiques entre une nation-continent et un Hexagone, moignon encore sanglant de l’empire français dépecé en 1815.
    Le président Valéry Giscard d’Estaing fut sans doute le seul politique français dans l’histoire du XX e siècle qui ait assumé publiquement le déclin français. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles il ne fut pas réélu à la fin de son premier mandat. En 1974, il nous rappelait cruellement que nous ne représentions plus que 1 % de la population. Trente-cinq ans plus tard, il nous pressait encore d’accepter notre destin de « moyenne grande puissance » et nous mettait dans le même sac que l’Espagne ou le Japon. Volontairement humiliant afin de contraindre l’orgueilleuse « grande nation » à baisser la tête devant la déesse Europe, la seule à être à la hauteur de l’avenir, et à la taille des superpuissances qui viennent. Les Français lui rendirent la pareille en refusant son projet de Constitution européenne en mai 2005, brisant la statue du Jefferson européen qu’il avait déjà érigée en son honneur.
    L’échec de Giscard ne signifie pas l’inexactitude de ses analyses. L’ancien président raisonne en continents ; son unité de compte est la centaine de millions d’habitants. Il se veut moderne, absolument moderne ; mais si le polytechnicien maîtrise l’esprit de géométrie, il ignore l’esprit de finesse. Les élites françaises « giscardisées » assimilaient nos chers et vieux pays aux cités grecques condamnées à s’unir ou à disparaître. Les vieilles nations dépassées devaient se fondre au sein d’une fédération européenne. Désuet, le patriotisme ; encombrantes, les frontières ; bellicistes, les nations. Le discours fut ressassé au nom de l’individualisme hédoniste sans chaînes ou d’un pacifisme ingénu et bêlant, ou d’un arrogant sens de l’histoire.
    Nous vivons pourtant encore le cycle ouvert en 1789 : de la Chine à Israël, des États-Unis à la Russie, le fait national s’impose partout. Seuls les mondes arabo-musulman et africain demeurent, malgré les efforts de certains de leurs chefs, d’Atatürk à Nasser, étrangers à cette idée nationale ; le sentiment d’appartenance à la Oumma islamique a repris le dessus depuis la révolution iranienne de 1979. Mais l’Iran ne retrouve-t-il pas les rêves nationalistes de la Perse en s’efforçant de rameuter derrière lui les masses arabes par les moyens conjugués de la tradition islamique et de la modernité nucléaire ?
    Les puissances à l’échelle mondiale (EU, Chine, Russie, Inde) sont toutes d’anciens empires multinationaux transformés en nations pachydermiques par un État niveleur (même aux États-Unis, depuis le New Deal) et une propagande patriotique intensive : le modèle que la France a inventé, et n’a pu mener à son terme.
    Non seulement le temps des masses n’a jamais disparu, mais il revient plus fort. On nous a fait croire que small était beautiful , on nous a fait fantasmer sur les cités-États, Singapour, Hong Kong, on a vanté l’immatériel et le nomadisme des individus ; et on se retrouve avec les mastodontes indien et chinois.
    Retour à la normale.
    Dans cette guerre des masses qu’elle inventa il y a seulement deux siècles, la France se trouve lilliputienne. La tragique prophétie de Prévost-Paradol s’accomplit.

Chapitre 6
Le Général
    On nous a enseigné à Sciences-Po que la droite et la gauche avaient échangé leurs conceptions de la nation, au tournant du XX e siècle, la droite endossant à ce moment-là, avec Barrés

Weitere Kostenlose Bücher