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Mélancolie française

Mélancolie française

Titel: Mélancolie française Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Zemmour
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la première occasion pour abandonner le pouvoir et la vie, lassé de « faire comme si ».
    C’est sa faiblesse qui depuis lors séduit tant la gauche, sa puissance limitée au verbe ; fort, il eût été un vulgaire Richelieu ou Napoléon ; faible, il était un poète. Admirable. Il aurait tant plu à Mme de Staël.
    La gauche intellectuelle française ne cache plus désormais sa fascination pour de Gaulle. Après l’intermède de sa présence au pouvoir, où elle fît semblant de voir en lui un général fasciste – selon la thématique forgée par la III e internationale communiste dès les années 1930, qui recommandait de caricaturer tout adversaire de droite sous les traits d’un fasciste – puis « l’homme des trusts et de la bourgeoisie », elle l’a récupéré sans vergogne dès son abandon du pouvoir, coupant, occultant, déformant. Réécrivant la geste.
    Aussitôt après que le géant mourut, les deux droites se rapprochèrent peu à peu jusqu’à fusionner. État contre marché, nation contre Europe, Paris contre province, ces affrontements classiques jetèrent leurs derniers feux, un brin forcés, surjoués, entre Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac. La victoire politique finale de Chirac sonna paradoxalement le glas idéologique de la droite bonapartiste et gaulliste, vaincue par la mondialisation et l’Europe. Un curieux partage des rôles s’ébaucha tacitement, la droite gaulliste et bonapartiste conservant les meilleures places, tandis que sa vieille rivale orléaniste, libérale, européiste, conquérait les esprits. Cette « organisation » générale ouvrit un espace politique inespéré à une droite « nationale » qui tentait vainement jusque-là de rassembler au sein d’un même mouvement anciens résistants maurrassiens et collabos non repentis, dont certains s’étaient retrouvés à l’occasion du combat perdu pour l’Algérie française. Mais ce Front national – nom inspiré de manière révélatrice à Jean-Marie Le Pen par le rassemblement forgé par les communistes à la Libération –, s’il permit à la gauche socialiste de François Mitterrand de perdurer au pouvoir, ne réussit jamais à vaincre l’ostracisme autour de son parti en souvenir – certes confus et nébuleux, et fort schématique – de la Seconde Guerre mondiale.
    La gauche régla de la même manière le séculaire affrontement des deux gauches au cours du second mandat de François Mitterrand. La gauche jacobine et égalitariste garda le pouvoir, tandis que sa vieille rivale girondine et libérale imposait ses idées. Il n’est pas innocent que le seul président de gauche sous la V e République fut l’incarnation de l’histoire de la gauche au XX e siècle, commençant sa carrière à l’extrême droite, et la finissant à gauche, pétainiste mais pas antisémite, vichysto-résistant mais jamais vraiment gaulliste, et qui, de dissimulations en mensonges partiels, réécrivit en permanence une histoire de sa vie et de la France, loin de la réalité historique, comme si celle-ci était indicible.
    Un an et demi après le début du mandat de Nicolas Sarkozy, en 2007, on put se dire que le clivage de la campagne de 1995 avait bien été entre les deux droites incarnées par Édouard Balladur et Jacques Chirac, et non entre droite et gauche, comme avait alors tenté de le faire accroire le malheureux Lionel Jospin. Ce n’était pas non plus la lutte contre la fracture sociale, thème de campagne qui permit à Jacques de passer de justesse devant Édouard. Le vrai clivage fut géostratégique. Mais les deux protagonistes ne le savaient pas encore.
    À la suite de l’intervention américaine en Irak de 2003, le président Chirac ébaucha en effet une alliance continentale inédite entre la France, l’Allemagne et la Russie face à l’alliance des Américains, des Anglais, et des pays européens des « côtes », de l’Espagne à la Pologne. C’était le retour imprévu de l’affrontement sempiternel de la terre contre la mer, le vieux rêve de Napoléon revisité par de Gaulle. À l’ONU, son ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, fit ardemment campagne auprès des pays africains, sud-américains, et asiatiques, afin que la résolution de l’ONU autorisant les Américains à intervenir en Irak ne fut pas adoptée. Son mémorable discours à la tribune de l’ONU s’avéra décisif. Les Américains, ulcérés, renoncèrent à obtenir la bénédiction

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