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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Sanson
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spectateurs ? Quelques cris de grâce se firent entendre une fois encore ; écho affaibli des généreuses paroles que Condorcet avait écrites le matin même dans la Chronique de Paris ; clameurs timides comme le sont trop souvent les élans des sentiments généreux et bien vite étouffées sous les malédictions et les menaces.  
    Le 31 août on exécuta Sellier et Desperriers, condamnés par arrêt du Tribunal criminel pour émission de faux assignats.
    Le pilori n’avait point suivi l’échafaud ; il restait acquis à la Grève. Le 1er septembre mon grand-père avait mis au carcan un nommé Jean Julien, charretier à Vaugirard, condamné pour vol à douze années de fer et à l’exposition. Jean Julien se prétendait innocent et manifestait une grande exaltation. Tandis qu’on le conduisait à la Grève, il avait plusieurs fois répété à ceux qui le conduisaient qu’il eût préféré la mort au supplice infâme qu’il allait subir. On avait pris ces propos pour des fanfaronnades, et on n’y avait point fait attention. Tandis que l’on clouait l’écriteau au-dessus du poteau auquel il était attaché, il se répandit en imprécations contre les juges et contre le gouvernement. Charles-Henry Sanson l’engagea à se montrer plus calme, le menaçant, s’il ne se taisait pas, de le faire bâillonner. Mais au même instant, et quoique jusqu’alors rien dans ses propos n’eût révélé qu’il fût royaliste, cet homme se mit à crier de toute la force de ses poumons : Vive le roi ! vive la reine ! vive monseigneur Lafayette ! au diable la nation !
    La scène qui suivit ces paroles se conçoit plutôt qu’elle ne se décrit.
    Qu’on se figure des torrents d’huile versés sur un brasier ardent, et l’on n’en aura encore qu’une idée bien imparfaite. Qu’on se représente ce peuple en proie aux passions les plus brûlantes : la fièvre du patriotisme et celle de la peur ; dont la fermentation était entretenue par les sourdes rumeurs du massacre qui devait éclater le lendemain, par les grondements du canon d’alarme, par la nouvelle de l’approche des Prussiens et des émigrés, et l’on comprendra peut-être l’effet que dut produire sur lui cette provocation insensée.
    Le malheureux Jean Julien n’avait point achevé, qu’une grêle de projectiles de toute espèce crépitait sur le plancher de l’échafaud. Presque aussitôt il était arraché du pilori et, malgré les efforts et les supplications de l’exécuteur et de ses aides, il allait être mis en pièces. Il fut sauvé de cette mort horrible par l’intervention du procureur syndic Manuel qui, en cette circonstance, fit preuve d’un grand courage. Se précipitant au plus épais de la foule, luttant corps à corps avec les plus furieux, il parvint à entraîner le malheureux Julien dans l’Hôtel-de-Ville. Mais en se voyant enlever sa proie, la rage des spectateurs ne connut plus de bornes, et l’émotion populaire allait dégénérer en émeute. On la calma en ordonnant de conduire immédiatement le coupable au tribunal extraordinaire, qui le jugea, séance tenante, et le condamna à mort. Jean Julien fut exécuté le lendemain.
    LE 3 SEPTEMBRE, LA GUILLOTINE CHÔMA.
    Il est vrai que, ce jour-là, ceux qui poussaient le peuple dans la voie sanglante où l’on ne rétrograde pas, ceux qui trouvaient la justice trop lente à suivre leurs ardeurs vengeresses, se donnèrent d’amples dédommagements aux vacances que le tribunal accordait à ses serviteurs.
    Mais passons. Dans la pénible tâche que je me suis imposée, je remercie le ciel de n’avoir point à retracer l’histoire de ces journées de septembre, où une foule d’égorgeurs usurpa si bien notre horrible office et souilla les prisons des atrocités d’exécutions dignes d’anthropophages. Combien, parmi ces misérables armés de piques, de sabres et versant avec une féroce volupté le sang de leurs semblables, eussent fait fi de ce sinistre fonctionnaire qu’on appelle le bourreau. Et pourtant, quel nom leur donner, à eux et à ceux qui les avaient déchaînés ? Celui d’assassins est trop doux !
    Le tribunal du 17 août siégeait au Châtelet. Au moment où commença le massacre, il était en séance et jugeait le major Bachmann, officier suisse. Les hurlements des victimes, les cris des égorgeurs s’entendaient de l’enceinte du tribunal et interrompirent plusieurs fois l’audience. Lorsque le président prononça le verdict qui

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