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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Sanson
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exigé la création. La Terreur ne date que des funestes journées de septembre : au 20 août, la peur, ou l’ivresse du sang, n’avait pas glacé ou atteint tout instinct d’humanité dans les c œ urs. L’impatience des meneurs nous a peut-être épargné l’opprobre de voir, neuf mois plus tôt, outrager le plus saint des mots : justice, par son alliance avec cet autre mot : révolutionnaire.
    Le tribunal du 17 août ne fut point de justice révolutionnaire. Bien qu’il comptât dans son sein des hommes dont le nom a une sinistre éloquence, Fouquier-Tinville par exemple, il usa du glaive avec une certaine modération qui indiquait que toute notion de justice, que tout élan de générosité n’étaient point bannis de l’âme de ceux qui le composaient. Il appliqua sévèrement des lois sévères, mais il respecta les formes tutélaires qu’impose l’application de ces lois ; et, à l’époque dans laquelle nous entrons, il faut lui en savoir gré.
    De 1791 au mois d’août 1792,- le nombre des attentats contre les personnes et contre les propriétés. avait grandi. C’est le caractère de toutes les époques de trouble et de bouleversement social. Lorsqu’on remue le vase, la lie monte à la surface. Un nouveau crime fournissait un nombreux contingent à l’échafaud. Le papier-monnaie de récente création, en raison de ses nombreuses coupures, malgré la peine terrible dont il portait la menace, excitait vivement la cupidité des faussaires. Ce ne fut que plus tard que la passion politique imagina de le contrefaire à son tour. Pendant une période de sept mois, du 1er janvier au 20 août, quinze de ce qu’on appelait alors les fabricateurs d’assignats, apportèrent leur tête sur la Grève.  
    Le 19 août, un nommé Collot avait été condamné, comme faussaire, à la peine de mort par le tribunal criminel du département. La guillotine était dressée au lieu ordinaire des exécutions, et comme toujours une affluence considérable se pressait autour de l’instrument de mort.
    Au moment où la charrette, dans laquelle se trouvait Charles-Henry Sanson à côté du condamné, débouchait sur la place, elle fut saluée de cris tumultueux, parmi lesquels mon grand-père crut distinguer celui de : Au Carrousel !
    Le cheval avançait toujours, mais un homme du peuple l’arrêta violemment par la bride en demandant au conducteur s’il n’avait pas entendu.
    Charles-Henry Sanson intervint, et alors s’adressant à lui, l’homme lui déclara que la volonté de la Commune était que la guillotine, destinée désormais à punir les esclaves et les valets des tyrans, se dressât en face du palais du dernier roi, et qu’il fallait sur-le-champ y transporter son outil et y conduire son homme .  
    Mon grand-père lui répondit que son devoir était d’exécuter les ordres qui lui étaient transmis, mais non point d’aller au-devant des intentions des magistrats ; que d’ailleurs il était trop tard ce jour-là pour déplacer l’échafaud.
    Mais les cris redoublèrent de violence, et en même temps plusieurs venant en aide à l’assaillant parvinrent à retourner la voiture dans la direction des Tuileries.
    La situation était à la fois embarrassante et douloureuse. La faible escorte, qui entourait la charrette, ne paraissait nullement disposée à intervenir, et le condamné, pauvre ouvrier bijoutier, laissait voir un accablement qu’on ne pouvait prolonger sans cruauté.
    A force de parlementer avec ceux qui l’entouraient, mon grand-père obtint la permission de faire avancer la charrette jusqu’à l’échafaud, à la condition de monter à l’Hôtel-de-Ville, demander de nouvelles instructions.
    Il avait espéré que, lorsque la Commune saurait que le patient était parvenu au lieu où devaient se terminer ses angoisses, elle lui épargnerait la cruelle promenade qu’il s’agissait de lui infliger.
    Il en fut autrement et, après quelques hésitations, le procureur de la Commune ordonna à Charles-Henry Sanson d’exécuter les volontés du peuple.
    Aussitôt que, sur l’ordre de leur chef, les aides et les charpentiers portèrent les premiers coups de marteau sur la guillotine, avec l’intention manifeste de la démonter, un formidable : hurrah ! apprit aux municipaux que leur souverain était satisfait, en même temps les plus rapprochés de l’échafaud envahissaient l’enceinte.
    Les répugnances que les gens du peuple avaient toujours manifestées pour prêter un

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