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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Sanson
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à laquelle nous sommes arrivés :  
    « Le supplice des deux frères Agasse, dont la condamnation a donné lieu à la conduite sublime et magnanime du district Saint-Honoré, était annoncé pour le lundi 8, par des ordres donnés à tous les districts d’envoyer un fort détachement de la garde nationale sur la place de Grève.
    « Ces jeunes gens, atteints et convaincus d’avoir fabriqué des effets royaux et publics, avaient été condamnés à l’amende honorable devant la Bourse et à la potence. Sur l’appel à minima , le Parlement les a déchargés de l’amende honorable à la porte de la Bourse, peine qui était relative à leur délit, pour confirmer la sentence de mort, ce qui était bien selon les lois d’un peuple d’esclaves et de tyrans ; mais ce qui n’a aucune proportion avec la nature de leur crime : vol d’argent et fabrication de faux billets. S’il faut que de tels crimes soient punis de mort, que reste-t-il pour punir l’assassin, le parricide, le traître à la patrie ?
    « Entre neuf et dix heures du matin, l’arrêt leur a été lu : l’aîné s’est trouvé mal ; le cadet a conservé toutes ses forces. « Quoi donc ! s’est-il écrié, nos juges n’ont donc point d’humanité ? à la mort ! Eh quoi ! Messieurs, a-t-il dit aux assistants, pouvez-vous être témoins de cette scène horrible ? »
    « M. le lieutenant-criminel leur a adressé un discours touchant. Il avait rempli son inflexible ministère ; il s’est honoré en devenant leur consolateur. Il leur a présenté surtout comme un moyen de consolation le nouveau décret de l’Assemblée nationale et la démarche du district Saint-Honoré, qui mettaient leur famille à couvert de l’injuste et sot préjugé qui acca blait la famille des condamnés. Depuis le Châtelet jusqu’à la Grève, ces jeunes gens n’ont cessé d’élever leurs bras vers le peuple, et de dire : Messieurs, demandez notre grâce, nous sommes repentants . Le peuple a crié : Grâce  ! mais c’était le cri de la pitié et de la raison. Il voyait des coupables, mais il ne sentait pas qu’ils ne pussent être punis que par la mort. Le peuple ne raisonnait point ; mais il sentait bien qu’il n’y avait nul rapport entre de faux billets et la perte de la vie.  
    « Les frères Agasse ont été conduits à l’Hôtel-de-Ville, et bientôt le bourreau est descendu, conduisant le plus jeune ; après de longs préparatifs il a fait son office, la cocarde nationale au chapeau.  
    « Aussitôt il est remonté à l’Hôtel-de-Ville pour chercher Agasse l’aîné. A peine le malheureux est-il au bas du perron qu’il aperçoit.. le corps de son frère suspendu à une potence, près de celle qui l’attend. Le bourreau et ses agents lui font faire encore quelques pas vers ce corps. Il détourne la tète, ses forces l’abandonnent ; on lui couvre le visage d’un mouchoir et on le porte au pied du gibet, sur lequel il expire au bout de quelques minutes.
    « J’ai lu l’arrêt des frères Agasse ; je n’y ai point vu que l’un ou l’autre fût condamné à être témoin de la suspension de son frère ; et je lis dans la Déclaration des Droits que la loi ne peut établir que des peines évidemment et strictement nécessaires  ; à plus forte raison le rapporteur, ni l’exécuteur n’ont-ils pas le droit d’ajouter à la peine des circonstances aggravantes qui ne sont pas nécessaires et que le jugement n’a point prescrites.  
    « Puisqu’ils étaient condamnés l’un et l’autre à la mort seulement, il fallait exécuter littéralement l’arrêt, et, après la suspension d’un des frères, soustraire son corps aux regards de l’autre. Il y a donc ici tout à la fois prévarication et inhumanité, soit de la part du juge qui présidait l’exécution, soit de la part de l’exécuteur. Ils ont outre-passé l’arrêt par une circonstance qui aggravait considérablement la peine.
    «  C’est l’usage … Cannibales ! Que m’importent vos exécrables usages ? Le coupable condamné cesse-t-il d’être un homme, d’être votre frère ; c’est un citoyen qui a une grande dette à payer à la société, et la société doit à ce débiteur tous les adoucissements qu’il n’est pas strictement et évidemment nécessaire de lui refuser. Que les Français eussent été, avant la Révolution, spectateurs muets de cette atrocité gratuite, il n’aurait pas fallu s’en étonner ; ils ne savaient

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