Meurtres Sur Le Palatin
artificiellement
frisées, qui pendaient de chaque côté de son visage (la dernière mode en vogue
à Rome) rebondirent et se tortillèrent comme des serpents que l'on aurait
attrapés par la queue.
-
Wotan ! gronda-t-elle, les poings serrés, sans même répondre à son salut.
Aïe...,
pensa le jeune officier avec une grimace.
-
Oui, ma tante ? répondit l'interpellé avec un sourire qui tenait plus du rictus
d'un squelette que de la bienveillance d'un neveu aimant.
-
Tu as donc décidé de ruiner définitivement la réputation de notre famille, ça y
est ?
Kaeso
laissa échapper un soupir las en entendant ces mots. Toujours les mêmes, encore
et encore. Comme chaque fois que Concordia faisait enrager sa mère...
"C'est
reparti pour la grande scène du déchirement familial...", soupira-t-il
silencieusement en prenant place sur un banc, face à sa tante, qui agitait son
index dans sa direction.
Le
jeune homme adopta une mine de circonstance, mi-soucieuse, mi-fautive, et pensa
à autre chose en laissant passer l'orage.
Écouter
Marcia était, de toute façon, aussi vain que fastidieux. Ses récriminations
portaient toujours plus ou moins sur le même thème : si Concordia n'était pas
mariée à vingt ans largement passés, et avait en tête des idées saugrenues
d'indépendance et de liberté, c'est parce que "Hildr lui a rempli la tête
de sottises !" Et que Kaeso "ne bougerait pas le petit doigt pour lui
remettre les idées en place, bien sûr !"
Soudain,
ce dernier sentit sa tête effectuer une violente rotation et une douleur
cuisante lui enflamma la joue gauche.
-
Monstre !
Il
lui fallut un instant pour comprendre que sa tante venait de lui administrer
une gifle retentissante.
-
Qu'est-ce que...
-
Tais-toi ! s'égosilla Marcia, hystérique comme seule peut l'être une matrone
romaine lorsqu'elle sort de ses gonds. Je ne veux entendre aucune excuse !
-
Mais je...
-
Comment as-tu pu faire une chose pareille ? hurla-t-elle encore. Et elle ?
Comment a-t-elle pu se laisser faire, maudite soit-elle ! Vingt-quatre ans ! Ma
fille va avoir vingt-quatre ans et elle n'a pas plus de bon sens qu'un colibri
!
-
Tante Marcia... De quoi tu pari...
-
Je parle de ma fille qui s'est comportée comme une plébéienne entichée d'un
cocher ! martela Marcia en ponctuant chaque mot par un coup du plat de la main
sur son plastron de cuir en le crucifiant de son regard noir. Je parle de
l'humiliation que tu fais s'abattre sur toute notre famille et sur notre nom !
Barbare ! Animal !
-
Mais enfin, qu'est-ce que j'ai f...
-
Tu vas assumer les conséquences de tes actes et l'épouser ! tempêta encore sa
tante, folle de rage. Même si je ne dois jamais m'en remettre ! Mais comment
as-tu pu faire une chose pareille, dieux tout-puissants !
Sa
voix se brisa soudain et elle se détourna en essuyant ses yeux de son voile
piqué de perles minuscules.
-
Épouser qui ? Mais enfin, qu'est-ce que j'ai fait ? bredouilla le jeune homme,
perdu.
Marcia
lui lança un regard glacial par-dessous son voile et tapa du pied.
-
Inutile de faire semblant, Kaeso ! Je sais tout ! Concordia nous a tout avoué !
-
Mais avoué quoi ?
-
Qu'elle était enceinte !
Si
Kaeso n'avait pas été assis, il en aurait eu les jambes coupées.
-
Quoi ?
-
Dépravé ! Bête immonde !
Le
jeune homme ouvrit et ferma la bouche à plusieurs reprises, sous le choc,
incapable de prononcer le moindre mot durant un long moment.
-
Qu... que... Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? se récria-t-il lorsqu'il
réussit enfin à construire une phrase cohérente.
-
Tu l'as déshonorée ! Tu as déposé un bâtard sang-mêlé dans les entrailles de ma
fille unique ! Inutile de nier, elle n'a pu faire autrement que de l'avouer
lorsque Scribonius Capito a demandé sa main ! Dieux, te rends-tu compte de
l'humiliation que tu imposes à ta famille ?
Kaeso
écarquilla les yeux puis, comprenant de quoi il s'agissait... pouffa.
Marcia
se raidit et, si ses yeux noirs avaient pu tuer, son neveu serait tombé raide
mort.
-
Et tu te permets d'en rire ? Pervers débauché ! Brute !
-
Tante Marcia, calme-toi, voyons ! Ce n'est qu'un prétexte de Concordia pour
échap...
-
Ne me touche pas ! Sauvage !
Agrippée
à sa suivante comme s'il était un matin en rut risquant de mordre, elle recula
vers la porte.
-
Nous verrons ce que penseront l'empereur Tibère et sa famille du comportement
du centurion Kaeso Concordianus Licinus ! cracha-t-elle avant de disparaître
par la
Weitere Kostenlose Bücher