Meurtres Sur Le Palatin
je
l'espère.
L'aveugle
se redressa sur un coude et caressa ses cheveux blonds, aussi longs et doux que
ceux d'une femme.
-
Je trouverai un moyen de te sortir de ce trou à rats. Tu es né libre. Ton père
n'avait pas le droit de te vendre ! Un simple mot au père de Concordia et...
-
Non !
-
Mais enfin, pourquoi ? Le droit est de ton côté, tu...
-
M'attaquer à Marcus Gallus ? Pour qu'il se venge sur ma famille ? Es-tu fou ?
-
Ta famille ! s'étrangla Ludius. Parce qu'elle t'a protégé, elle ? Mnester...
Ton propre père t'a vendu à un bordel pour payer ses dettes de jeu !
Le
jeune danseur à la fois honteux et révolté rougit jusqu'à la racine des cheveux
et se mordit la lèvre jusqu'au sang.
-
Ce n'est pas pour lui, que je m'inquiète, puisse-t-il pourrir dans une fosse à
purin !
L'aveugle
lui caressa tendrement la joue, un sourire triste sur ses lèvres fines.
-
Quel âge a ta soeur, maintenant ? L'expression de Mnester s'adoucit.
-
Elle vient d'avoir douze ans. Il y a tout juste vingt jours..., précisa-t-il en
soupirant.
Ludius
se redressa sur un coude et frôla son épaule satinée du bout de son nez.
-
Dis-moi la vérité, Mnester... C'est elle que ton père voulait vendre à Danaé,
n'est-ce pas ?
Il
sentit le danseur se raidir.
-
Je..., hésita-t-il.
-
Tu n'es pas obligé de répondre. Excuse-moi, je ne voulais pas te mettre mal à
l'aise...
-
J'ai réussi à convaincre Marcus que je lui rapporterais davantage qu'elle,
avoua Mnester dans un chuchotement à peine audible. Que voulais-tu que je
fasse, Ludius ? Ce n'est qu'une petite fille. Elle n'aurait pas survécu plus de
quelques jours, dans un tel endroit.
L'aveugle
lui passa le bras autour des épaules et le serra contre lui.
-
Je ne te reproche rien, Mnester. À ta place, je...
-
Tu aurais fui avec elle, refait ta vie et lui aurais trouvé un bon mari, le
coupa le danseur en souriant.
Ludius
éclata de rire.
-
Ce n'est pas ce que j'allais dire.
Mnester
nicha son visage au creux de son cou.
-
Non, mais c'est ce que tu aurais fait, aveugle ou pas, assura-t-il.
-
Une telle confiance me flatte.
-
Je commence à te connaître.
-
Ah oui ?
Mnester
acquiesça et piqua son menton d'un baiser.
-
Oui. Et je sais que j'ai beaucoup de chance de t'avoir à mes côtés. Enfin...
quand c'est possible ! se reprit-il avec un humour teinté de résignation.
-
C'est gentil.
-
Dame Concordia aussi a de la chance de t'avoir.
-
Non, c'est moi qui en ai.
-
Tu l'aimes beaucoup, n'est-ce pas ?
L'infirme
acquiesça en souriant.
-
Oui. Mais ce n'est pas du tout ce à quoi tu pourrais penser !
Le
danseur lui pinça les côtes, joueur. Un court silence, puis :
-
Dis, Ludius... C'est vrai ce qu'on raconte ?
-
Quoi donc ?
-
Que son cousin, ton ancien centurion, l'aurait mise enceinte ?
Ludius
partit d'un rire tonitruant.
-
Bien sûr que non ! C'est encore l'une de ses idées saugrenues pour échapper à
un mariage arrangé par sa mère. Oh, celle-là... C'est quelque chose, crois-moi
!
-
Dame Marcia ? (Ludius acquiesça.) Il paraît qu'elle ne voit pas d'un très bon oeil
l'affection qui lie sa fille à son cousin. N'a-t-elle jamais essayé d'y mettre
fin pour de bon ?
L'aveugle
tiqua et fronça les sourcils.
-
Mnester... Pourquoi toutes ces questions ?
Heureusement
pour le danseur, son amant ne pouvait voir la rougeur coupable qui lui colora
soudain les joues et le front.
-
Que veux-tu dire ?
-
D'habitude, lorsque je parle de Concordia ou de sa famille, tu me demandes de
changer de sujet.
Mnester
allait bredouiller une excuse lorsqu'on frappa doucement à la porte.
-
Mnester ? chuchota la voix de la suivante de Danaé derrière le battant.
-
Je suis occupé, Prisca !
-
Il faut que tu descendes, Mnester. Tout de suite.
-
Quoi ? Pourquoi ?
-
Balbus Taurus, le centurion des vigiles de Subure, est en bas ! Il veut voir
tout le monde. Maître Marcus n'est pas là et maîtresse Danaé est folle de rage.
Dépêche-toi !
Ludius
se redressa sur la couche et fronça les sourcils.
-
Le chef des vigiles ? s'étonna-t-il. Ici ? Je croyais qu'ils ne se risquaient
dans cette partie de la ville qu'en cas d'incendie, et encore.
Mnester
sauta élégamment du lit et entreprit de s'habiller à la hâte.
-
Il a dû se passer quelque chose. Quelque chose d'assez grave pour les forcer à
donner un coup de pied dans la fourmilière. Vite, dépêche-toi ! Taurus ne doit
pas te voir ici. Je vais te faire sortir
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