Meurtres Sur Le Palatin
chose aux plantes et aux décoctions ?
Il
tordit la bouche en une moue pitoyable et Concordia, qui ne restait jamais
sérieuse ou sombre bien longtemps, fut prise d'un terrible fou rire.
*
**
À
genoux au milieu d'une nuée de mouches, tandis qu'il pataugeait dans la boue
ensanglantée de la fosse commune de la nécropole appienne, Ludius, lui, n'avait
guère envie de rire.
Lorsqu'il
avait récupéré les renseignements sur Apollonius demandés par le père de
Concordia auprès du cadastre et d'autres organes officiels, il était encore
tôt. Le jeune homme s'était alors dit qu'il pourrait passer un moment avec
Mnester avant la tombée de la nuit.
Il
s'était donc mis en route le coeur léger, pensant aux mille choses qu'ils
auraient à se raconter, comme toujours, mais, lorsqu'il arriva sur place, il
comprit tout de suite que quelque chose n'allait pas. Il y avait trop de monde,
c'était trop silencieux, les gens murmuraient craintivement et il y avait cette
horrible odeur.
Un
vigile l'arrêta brutalement d'une main sur la poitrine mais s'excusa aussitôt
en remarquant qu'il avait affaire à un aveugle. L'homme avait répondu à ses
questions avec lassitude, comme si on les lui avait déjà posées des centaines
de fois dans la journée.
La
taverne ? Fermée. Les esclaves ? Égorgés. Les corps ? Dans la fosse.
La
liste ? Quelle liste ? Qui se souciait des esclaves des autres ? On avait déjà
assez de soucis avec les siens, non ?
Ludius
eut l'impression que son coeur s'arrêtait de battre et que sa poitrine allait
éclater. Il ne sut pas comment il s'était retrouvé assis sous un porche.
S'était-il écroulé devant le vigile ? Le soldat l'avait-il mis là, à l'abri du
soleil, jusqu'à ce qu'il reprenne conscience ?
"Avez-vous
vu un garçon d'à peu près cette taille-là ? Avec des cheveux longs jusque-là ?
Les gens disent qu'il est blond et que ses yeux sont bleus, l'avez-vous vu
parmi les morts ? S'il vous plaît, l'avez-vous vu ?"
Toujours
les mêmes questions, encore et encore, durant des heures. Jusqu'à ce qu'un
homme lui conseille finalement "d'aller voir" dans la fosse appienne.
Aller
voir...
Si
seulement il le pouvait !
Les
deux pieds dans la boue ensanglantée de la fosse, cerné par un nuage de mouches
qui cherchaient par tous les moyens à entrer dans sa bouche et son nez,
s'engouffraient dans ses oreilles et s'agglutinaient au coin de ses yeux morts,
tout ce qu'il pouvait faire, c'était crier. Crier à l'intention des curieux
qui, tout comme les mouches, se pressaient autour de la fosse mais pour le seul
plaisir morbide de contempler une trentaine de cadavres égorgés.
-
Je cherche un garçon avec des cheveux longs ! Les gens disent qu'il est blond
et que ses yeux sont bleus, le voyez-vous parmi les corps ? Quelqu'un le
voit-il ? S'il vous plaît, dites-moi si quelqu'un le voit ! Vous m'entendez ?
Répondez-moi, s'il vous plaît ! Quelqu'un le voit-il ? Quelqu'un le voit-il ?
9.
Kaeso
n'eut même pas à se donner la peine de frapper à la porte de la maison palatine
de Valerius Flacus car un domestique en livrée se tenait sur le perron.
-
Sois le bienvenu, centurion, salua ce dernier avec une courbette et un sourire
mielleux. C'est un honneur de te recevoir dans cette maison. Je t'en prie,
ajouta-t-il avec obséquiosité en s'effaçant pour le laisser passer. Mon maître
attendait impatiemment ta venue.
-
Tu m'en diras tant..., soupira le jeune officier en raffermissant sa prise sur
la laisse d'Io, qui lorgnait dangereusement sur les mollets noueux.
Visiblement,
l'esclave mielleux inspirait autant de confiance au fauve qu'à son maître.
Ils
pénétrèrent dans le grand vestibule de la demeure et Kaeso se raidit. Si la
décoration était à l'image du maître des lieux, la rencontre promettait d'être
mémorable. Qui avait dit que les Romains de vieille souche se devaient de
donner l'exemple de la modération et de la sobriété ?
Jamais
le jeune officier n'avait vu une telle débauche de couleurs criardes et de
mauvais goût.
Pas
même dans la litière ou le jardin d'Apollonius, c'est dire ! Trop de dorures,
trop de marbres et tant de tableaux accrochés côte à côte qu'ils s'éclipsaient
les uns les autres, l'éclat du premier faisant oublier les couleurs du second
et le style du troisième jurant avec le premier.
-
Mon maître t'attend dans son cabinet, annonça l'esclave. Suis-moi, je t'en
prie.
Kaeso
obtempéra, les semelles de
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