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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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sortilèges… Ici quelques-uns des hommes commencèrent à s’esquiver entre deux groupes de cavaliers pour aller chercher leurs épées. D’autres sortirent hardiment les leurs qu’ils avaient dissimulées sous leurs manteaux. Sans doute Caligula s’en aperçut-il, car il changea de ton brusquement, au milieu d’une phrase. Il commença à décrire le contraste entre ces mauvais jours, heureusement oubliés, et le règne actuel de la gloire et de la richesse. « Votre petit camarade est devenu un homme – le plus grand Empereur que le monde ait jamais connu. Aucun ennemi, fût-ce le plus farouche, n’ose défier ses armes invincibles…»
    Mon vieux sergent se précipita. « Tout est perdu, César, cria-t-il. L’ennemi a passé le fleuve à Cologne avec trois cent mille hommes. Ils vont piller Lyon, puis ils passeront les Alpes et iront piller Rome ! »
    Personne n’ajouta foi à cette histoire absurde, excepté Caligula. Il devint jaune de peur, plongea du haut de l’estrade, empoigna un cheval, dégringola en selle et sortit du camp comme un éclair. Un palefrenier le suivit au galop. « Grâce à Dieu, lui cria Caligula, j’ai encore l’Égypte. Là du moins je serai en sécurité. Les Germains ne sont pas des marins. »
    On imagine le rire de la troupe. Mais un colonel poursuivit Caligula sur un bon cheval et ne tarda pas à le rattraper. Il lui assura que la nouvelle était exagérée. Seule une petite troupe ennemie avait passé le fleuve : on l’avait repoussée, et la rive romaine était libre. Caligula s’arrêta à la ville voisine et écrivit une dépêche au Sénat pour l’informer que toutes ses guerres étant glorieusement terminées, il se préparait à regagner Rome avec ses troupes couronnées de lauriers. Il reprochait sévèrement à ces lâches de l’arrière d’avoir continué à mener leur vie habituelle – théâtres, bains, soupers – tandis que lui-même était exposé à toutes les rigueurs de la campagne, mangeant, buvant, dormant comme un simple soldat.
    Les sénateurs ne savaient comment l’apaiser, puisqu’il leur avait strictement interdit de lui voter des honneurs de leur propre initiative. Ils lui envoyèrent cependant une ambassade pour le féliciter de ses magnifiques victoires et le prier de hâter son retour à Rome, où on déplorait si amèrement son absence. Caligula fut violemment irrité qu’on ne lui eût pas, en dépit de ses ordres, voté un triomphe ; de plus le message ne le désignait pas sous le nom de Jupiter, mais simplement d’empereur Caius César. Il frappa de la main le pommeau de son épée. « Hâter mon retour ? s’écria-t-il. Certes, et avec ceci à la main. »
    Il s’était préparé un triple triomphe : sur les Germains, sur les Bretons et sur Neptune. En fait de prisonniers bretons, il avait le fils de Cymbeline et sa suite, sans compter l’équipage de quelques navires de commerce qu’il avait saisis à Boulogne. Quant aux prisonniers germaniques, il en avait trois cents véritables ; il y ajouta les hommes les plus grands qu’il put trouver en France, affublés de perruques jaunes et de tuniques germaines, et parlant un jargon qui devait passer pour germanique. Mais, comme j’ai dit, le Sénat n’avait pas osé lui voter un triomphe officiel : il lui fallut donc se contenter d’un triomphe privé. Il traversa la ville comme il avait traversé le pont de Baïes : seule l’intercession de Césonie, qui était une femme de bon sens, l’empêcha de passer le Sénat entier au fil de l’épée. Il récompensa la foule de sa générosité passée en faisant pleuvoir l’or et l’argent du haut des toits du palais. Mais pour bien montrer qu’il n’avait pas encore pardonné aux citoyens leur conduite à l’amphithéâtre, il mêla à la distribution des disques de fer chauffé au rouge. Les soldats furent autorisés à faire autant de bruit qu’ils voudraient et à boire tout leur soûl aux frais du public. Ils profitèrent largement de la permission, pillèrent des rues entières et mirent le feu au quartier des prostituées. L’ordre ne fut rétabli qu’au bout de dix jours.
    C’était le mois de septembre. En l’absence de Caligula les ouvriers avaient travaillé à son temple du Palatin, qu’on avait agrandi jusqu’à la place du Marché. Caligula transforma le temple de Castor et Pollux en vestibule pour le nouveau temple et fit ouvrir un passage entre les deux statues des dieux. « Les

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