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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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goût.
    — Demain, nous trouverons d'autre rhodiola et peut-être un peu d'ugyuun, dit-elle à Shuku. Si nous attra-pons du poisson, nous ferons la fête. Je dois te garder potelé pour que ton père soit fier de toi.
    Kiin ferma les yeux et pensa à Samig, à Takha. Son besoin d'eux était si fort qu'elle en avait le cœur brisé.
    Elle ouvrit la bouche pour chanter mais, dominant les bruits du vent et de la pluie, elle entendit jacasser, comme de nombreuses voix. Assise immobile, elle prêta l'oreille, si bien que même Shuku cessa de téter et s'éloigna du sein de sa mère.
    Elle mit le doigt sur les lèvres de son fils.
    — Chut, ne bouge pas, murmura-t-elle avant de remettre son suk sur lui pour quitter leur abri.
    La pluie s'était muée en brume, et si le soleil s'était couché, suffisamment de lumière parvenait du ciel à l'ouest pour révéler la ligne du rivage. Foulant l'herbe mouillée, elle grimpa jusqu'au sommet de la colline puis s'arrêta pour écouter de nouveau.
    — Des oiseaux, Shuku, écoute ! Des oiseaux ! s'ex-clama-t-elle en riant.
    Elle marcha sans se soucier des herbes qui tailladaient ses pieds, de la brume qui trempait ses cheveux. Au sommet de la deuxième colline, elle repéra la falaise grise, à pic, qui surgissait de la mer et se projetait vers le ciel, grouillante des gazouillis des guillemots dans leurs nids.
    — Des œufs, Shuku, des œufs.
    Elle dansait en rond tandis que son fils riait en cascade.
    C'était un matin clair, un rare jour de soleil et de ciel limpide. La brume se levait des vallées entre les collines comme si des feux brûlaient en contrebas. Kiin quitta son abri de peau de phoque, Shuku sanglé à son flanc. Elle ne pouvait enterrer les œufs dans de l'huile et du sable, mais si elle les faisait durcir, ils se garderaient plusieurs jours.
    L'escalade fut aisée. Bien que la falaise surgisse droit hors de l'eau, les collines derrière la plage de galets s'inclinaient avec douceur. Quand Kiin partait avec d'autres femmes pour dénicher des œufs, elles utili-saient un harnais, une personne faisant descendre l'autre. Livrée à elle-même, Kiin était obligée de se pencher vers la corniche la plus haute. Elle s'accroupit et suivit des yeux le bord de la falaise jusqu'à l'endroit où les nids étaient à portée de main.
    — Là, dit-elle à Shuku. Tu vois, là-bas, j'y arriverai.
    Elle rebroussa légèrement chemin et piétina les
    herbes puis, à l'aide d'une pierre qu'elle avait apportée de la plage, enfonça un pieu de bois flotté dans le sol auquel elle noua une corde de varech. Elle posa Shuku à terre et enroula la ligne autour de son épaule gauche et entre ses jambes avant de faire un nœud de sécurité.
    — Écoute-moi bien, Shuku. Tu restes ici pendant que je vais ramasser des œufs.
    Elle regagna la falaise sans même se retourner quand il se mit à pleurnicher.
    — Tu seras content, tout à l'heure, car nous nous régalerons, lança-t-elle par-dessus son épaule.
    Elle gagna le bord de la falaise où elle planta un autre pieu, fixa une autre corde de varech qu'elle attacha cette fois autour de sa taille. Puis, allongée sur le ventre, elle tendit la main pour repousser les guillemots du matelas de plumes et d'herbes déposé sous chaque nid.
    Les oiseaux se fâchèrent et lui piquèrent la main à coups de bec.
    — Pondez d'autres œufs, leur dit-elle alors. Je ne prendrai les vôtres qu'une fois. Vous aurez d'autres enfants oiseaux, mais mon fils et moi devons manger.
    Elle posa sur l'herbe le fruit de sa cueillette, laissant une trace sur le bord de la falaise tandis qu'elle s'affairait. Les sanglots de Shuku se transformèrent en un petit chant plaintif au rythme des hoquets et des petits soupirs tremblants.
    — Encore trois, Shuku, lui cria Kiin.
    Elle regarda par-dessus son épaule tout en se penchant en avant pour attraper un autre œuf, puis sentit le bec pointu d'un oiseau s'attaquer de nouveau aux os fragiles de ses doigts. Elle le repoussa vivement et glissa sur l'herbe humide. Elle essaya en vain de retrouver son équilibre.
    Tout se passa très vite. Mais, comme elle glissait pardessus la corniche, elle vit tout : elle vit l'oiseau qui l'avait attaquée, les ailes déployées, les plumes de son poitrail ébouriffées, ses pupilles noires réduites à un point minuscule comme chez un hibou. Elle vit l'œuf vert moucheté de noir. Puis il n'y eut que la falaise, grise, sombre. Kiin tendit la main vers la pierre qu'elle

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