Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
Vom Netzwerk:
étapes de sa vie avaient eu des bons côtés. Pourquoi ne pas profiter de ce qui lui appartenait ?
    Elle rangea les restes de viande en songeant à ce qu'avaient dit les chasseurs. L'huile était fraîche. Comme il serait tentant d'en prendre une petite bolée, de s'en régaler avec du poisson séché qu'elle avait prévu pour son prochain repas. Mais c'était la meilleure des huiles. Mieux valait la garder pour Waxtal. Pour celui qui chassait.
    A deux reprises, Roc Dur lui avait demandé si elle serait l'épouse de Waxtal. Deux fois, elle avait posé des conditions : s'il pouvait chasser, s'il était chaman. Pourquoi ? Les jours de jeûne forcé où elle aurait pris n'importe quel homme ne remontaient-ils qu'à une lune ? Pourquoi avait-elle tant de mal à dire oui ?
    Waxtal n'était pas beau. Son visage n'était pas plaisant comme celui de Roc Dur. Son corps n'avait pas la force de celui de Phoque Mourant. Ses yeux n'avaient pas la douceur de ceux de Hibou. Mais il possédait des pouvoirs. Qu'est-ce qui était plus important pour les enfants qu'elle porterait peut-être — des yeux doux, un joli visage, ou le pouvoir de leur assurer à manger, de les protéger des malédictions ?
    — Quelle femme ne se sacrifie pour ses enfants, même ceux encore à naître ? demanda Kukutux à voix haute. Oui, je prendrai Waxtal pour époux.
    Puis elle se rappela les paroles de sa mère. L'huile, l'huile fraîche fait de vigoureux bébés. Elle retourna à la réserve et prit le ventre d'huile nouvelle dont elle tira le bouchon.
    — Pour mes enfants, dit Kukutux.
    57
    Les harpons sont trop courts, les pointes trop fines. Quel homme a jamais tué un morse avec un harpon à phoque ? Waxtal secoua la tête, espérant repousser la peur qui envahissait ses bras tandis qu'il pagayait. Déjà, Roc Dur, Phoque Mourant et Pieds Rouges, et même Mangeur de Poissons, étaient si loin devant qu'il distinguait à peine leurs ikyan sur la mer scintillante.
    Waxtal concentra ses pensées sur son amulette, lourde contre sa poitrine et dont l'immense pouvoir dégageait de la chaleur. Avant de quitter l'ulaq, il avait ôté un mince copeau d'ivoire à la défense sculptée. Dès qu'il l'avait rangé dans la pochette en cuir souple, il avait senti la différence. Il avait passé l'amulette au-dessus de sa tête et s'était immédiatement senti plus fort, plus assuré.
    Mais maintenant, le doute l'assaillait au rythme des vagues. Il entendait les voix méprisantes de ces esprits qui glissent si aisément au-dessus de l'eau pour trouver un homme dans son ikyak. Ils le ridiculisaient et leurs chuchotements étaient autant d'aiguilles transperçant son corps. « Oh ! C'est ton pouvoir qui a amené les morses. Ton pouvoir ! Quand as-tu appelé le moindre animal, fût-ce un lemming ? Crois-tu vraiment qu'il suffit de prier et de jeûner une fois pour recevoir un tel pouvoir? En ce cas, n'importe qui en serait capable. Toutes les chasses seraient heureuses. »
    — J'ai appelé les morses, lança-t-il. Je les ai appelés. Peut-être avec mon couteau qui sculptait la défense, peut-être à l'intérieur de mes rêves, peut-être avec mes incantations. C'est moi qui les ai appelés. Un Chasseur de Baleines appellerait-il des morses alors qu'il chasse la baleine ? Hibou ou Œuf Moucheté appelleraient-ils ? Ce sont des Caribous. C'est moi qui sculpte une défense de morse. C'est moi dont la fille est femme d'un chaman du Peuple Morse. Je les ai appelés.
    Alors, les esprits de l'eau s'éloignèrent et les bras de Waxtal retrouvèrent leur vigueur. Il pagaya dur pour rejoindre l'ikyak de Pieds Rouges, jusqu'à ce que, par-delà les vagues, il entendît l'appel du chef Morse et les grognements des autres mâles. Tournant leurs embarcations contre le vent, les Chasseurs de Baleines arrivèrent à l'île. Roc Dur et Phoque Mourant immobilisèrent leurs bateaux, pagaies à la verticale de l'eau, en attendant Pieds Rouges et Mangeur de Poissons. Puis tous quatre se retournèrent et guettèrent Waxtal.
    — Les morses sont là, dit Roc Dur. Est-ce l'île où tu es venu jeûner ? demanda-t-il ensuite à Waxtal.
    Celui-ci faillit répondre que non, mais ferma la bouche à temps. Il releva la tête et plongea le regard dans celui de Roc Dur.
    — Oui, répondit-il.
    Qui le saura ? songea Waxtal. Hibou et Œuf Moucheté sont partis pour toujours. C'est lui qui avait appelé les morses, pourquoi ne pas en tirer tout le bénéfice ? Pourquoi ne pas tirer ce qu'il

Weitere Kostenlose Bücher