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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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village ? Mais à quoi bon s'inquiéter ? Il avait appelé des morses sur l'île des Quatre Eaux et un morse mort sur cette plage. Roc Dur n'aurait pu appeler qu'une baleine.
    Ce que je fais avec des morses, je peux le faire avec des hommes, chasseurs et commerçants qui viendront à mon village. Et puisque je les aurai appelés, je serai leur chef. L'estomac de Waxtal grogna. Posant ses mains sur son ventre, il dit :
    — Attends, tu auras bientôt à manger. Ils t'apporteront plus que si tu avais accepté la part du chasseur.
    Il attendit donc que le sommeil l'envahisse.
    Il s'éveilla au son d'une voix qui l'appelait du sommet de l'ulaq. Il s'agissait de la veuve Menhaden et de Presque Toutes Les Mains. Chacune portait de la viande fraîche tranchée et cuite, dégoulinante d'huile. Menhaden portait aussi une vessie de bulbes de pourpier cuit qu'elle tendit à Waxtal tout en descendant. La vessie était encore chaude et fumante d'une riche odeur de poisson fumé. Il l'ouvrit et s'aperçut que la femme avait incorporé des copeaux de poisson aux racines ainsi que des feuilles d'ugyuun séché. Il se servit immédiatement avec ses doigts qu'il lécha dès qu'il eut avalé.
    — Pour toi, pour la viande que tu nous as donnée, dit Menhaden.
    Et si les yeux de la jeune femme étaient encore gonflés de deuil, Waxtal remarqua qu'elle était belle, grande et forte, avec des os qui tendaient la peau de son visage, de grands yeux et un petit nez.
    Dommage, se dit-il, que Pieds Rouges ne soit pas mort plus tôt. Si Menhaden n'était pas en deuil, Waxtal la demanderait pour épouse au lieu de celle qu'ils appelaient Kukutux. Kukutux n'était pas laide, mais son bras tordu diminuait sa force et cette femme avait la langue acérée et la parole amère. Mais si jamais Waxtal déci-dait de passer l'hiver sur cette île, peut-être prendrait-il Kukutux un moment puis, une fois que Menhaden aurait achevé son deuil, il répudierait Kukutux. Qui l'en blâmerait ? Même Roc Dur se plaignait de son mauvais caractère.
    — Merci, dit Waxtal en trempant de nouveau les doigts dans le pourpier. C'est bon.
    — C'est moi qui devrais te remercier, dit Menhaden. Trouver de la viande n'est pas facile pour une femme seule.
    Les deux femmes s'en allèrent et Waxtal contempla Menhaden en train de grimper le rondin. Ses yeux s'attardèrent sur ses pieds et ses jambes et il aurait bien voulu voir plus haut sous son suk, mais les ombres ne lui permettaient pas de distinguer au-dessus des genoux. Une fois les femmes disparues, il s'assit près de la lampe et mangea.
    Trois femmes vinrent, cette nuit-là, avec de la viande de morse cuite, au goût puissant, peut-être pas aussi bonne que la viande de phoque, mais meilleure que la viande de baleine, se dit Waxtal. Une femme lui promit un ventre de phoque d'huile de morse et, observant sa lampe, prit son couteau de femme pour tailler la mèche. Une autre apporta de la viande de morse coupée très finement ; entre chaque morceau, une tranche de poisson cru, le morse cuit dans l'huile pour former une croûte croustillante qui retenait le jus de viande à l'intérieur. Une autre vint avec un ragoût fumant à l'épais bouillon qu'elle suspendit à un chevron.
    Chaque fois qu'une femme partait, Waxtal emportait la nourriture apportée dans une des chambres vides. Pourquoi montrer ses réserves ? Si plus tard des hommes s'arrêtaient — pour parler de la chasse au morse — pourquoi avoir de la nourriture qu'ils mangeraient, eux qui avaient des femmes et des mères pour préparer leurs repas ?
    Waxtal mangea à satiété puis posa les restes de la viande apportée par Menhaden sur une natte qu'il roula avant de la pousser dans la cache de nourriture. Il se rassit, jambes croisées, et contempla la longue flamme de la lampe. Et, comme dans un rêve, il entendit des voix.
    Il crut d'abord qu'on lui apportait encore à manger, mais s'aperçut bientôt que les voix provenaient de l'intérieur de l'ulaq. Se déplaçant prudemment vers le son, il parvint à la défense sculptée. Il inclina la tête et entendit des voix ténues comme un murmure.
    « Quoi ? dit une voix. Tu ne laisses rien pour ceux qui pourraient venir ? »
    — Pourquoi le ferais-je ? chuchota Waxtal. Je leur ai donné un morse et n'ai rien pris pour moi. Que puis-je faire de plus ?
    « Tu as appelé le morse ? » demanda la voix.
    — Qui d'autre ?
    « L'égoïsme n'attire que des regrets » dit la voix.
    Waxtal avait déjà entendu

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