Mon frère le vent
jeûné ?
— Oui, toujours, je prie, répondit Samig. Et je jeûnerai.
Portant son regard au-delà de son père, il appela. Kayugh tourna la tête et vit Petit Couteau.
— Regarde, dit Samig à Kayugh. As-tu apporté ton arme ? demanda-t-il à Petit Couteau.
Le garçon glissa un regard à Kayugh puis à son père.
— Je l'ai, répondit-il posément.
— J'ai parlé à ton grand-père de nos combats, expliqua Samig.
Petit Couteau plongea les yeux dans ceux de Kayugh.
— Montrez-moi, dit ce dernier en reculant pour laisser de la place aux hommes.
Samig défit l'os qui maintenait son doigt tendu puis s'empara d'un bâton court en forme de couteau qu'il rangeait dans une petite bourse à sa taille. Il étendit les doigts de sa main droite et les referma sur le bois. Alors, les deux hommes se firent face, bras tendus, jambes pliées, et commencèrent à décrire des cercles.
Petit Couteau attaqua le premier, son corps fit un arc en direction du ventre de Samig qui esquiva. Avant que Petit Couteau ne puisse retrouver l'équilibre, Samig plongea et lui saisit l'avant-bras. Le garçon leva alors son arme et atteignit Samig au visage.
Kayugh observait, bras croisés. Il était surpris de la vélocité avec laquelle Samig se déplaçait. Peut-être même était-il plus rapide que le Corbeau, mais qui pouvait l'affirmer avec certitude ? Une fois le couteau assuré dans la main de Samig, nul spectateur ne pouvait savoir que l'homme était amoindri. Si Samig parvenait à cacher la chose au Corbeau, peut-être avait-il une chance. Samig était résistant et l'on voyait aisément que le combat au couteau de bois durait plus longtemps qu'avec de vraies lames. Pourtant, Petit Couteau avait
réussi à toucher Samig à la joue, au bras et au genou. Une entaille causée avec une lame de bois n'était rien, mais si chaque blessure saignait ?
Finalement, tous deux reculèrent, respirant profondément à plusieurs reprises.
Les mains levées, Kayugh dit à Samig :
— Tu es bon, je l'admets. Tu as une chance de battre le Corbeau, surtout s'il n'est pas au courant pour ta main. Tu dois donc travailler pour faire tomber le couteau de ses doigts. Mais tu dois prier avant de partir. Si un homme veut réussir, sa force intérieure doit égaler sa force extérieure.
— Je prierai.
Kayugh hocha la tête.
— Et s'il parvient à te faire lâcher prise ?
— Essaie, proposa Samig en tendant la main.
Kayugh tenta de lui faire lâcher prise mais en vain.
Il haussa les épaules et se détourna. Soudain, il pivota rapidement, avant que Samig n'ait le temps de réagir, et lança un vigoureux coup de pied sur les doigts sans résultat.
Kayugh sourit.
— J'ai entendu ta mère parler avec ton père, dit Trois Poissons.
Samig et son épouse étaient dans leur ulaq où la jeune femme nourrissait leur fils.
Samig se pencha pour caresser du doigt la joue de l'enfant. Ils l'avaient appelé Nombreuses Baleines afin que ce nom puisse être de nouveau prononcé dans l'espoir et le respect. Samig s'assit à côté de sa femme et Nombreuses Baleines. Le petit, la bouche sur le sein de sa mère, tendait le doigt vers son père qui prit sa main dans la sienne.
— Elle demandait si tu combattrais le Corbeau, poursuivit Trois Poissons.
— Qu'a répondu mon père ?
— Il a dit que oui.
— Crois-tu que je le devrais ?
Trois Poissons le regarda droit dans les yeux.
— Si je réponds non, cela ne changera rien.
Samig baissa la tête.
Trois Poissons passa la main dans les cheveux noirs de leur fils.
— Tu as déjà une femme et un fils.
— Oui, une bonne épouse et un beau garçon. Mais Kiin aussi est ma femme. Et j'ai promis à mon frère que je prendrais soin de Kiin et de ses fils.
— Nous avons Takha, objecta Trois Poissons en tournant le regard vers le garçon assis dans un coin.
Il jouait avec trois paniers et un tas de galets, empilant les pierres dans l'un avant de les reverser dans un autre.
— Tu es une bonne mère et tu es ma première épouse. Que Kiin soit là ou non, tu conserveras ta place dans mon cœur.
— Je veux que Kiin revienne parmi nous, dit Trois Poissons. Mon père possédait deux épouses. Quand la première est morte, j'ai porté son deuil comme je l'aurais fait pour une mère. Je sais que la présence de Shuku sera bénéfique à Takha. Leur pouvoir est incomplet tant qu'ils sont éloignés. C'est juste que je ne veux pas que tu te battes.
— Je prierai. Je prévoirai.
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