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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
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la chaumière blanche, sous les mélèzes, sur le côté gauche de la route. Toutes les armes en votre possession : mitrailleuses, fusils, mitraillettes. Les officiers peuvent garder leur épée, les soldats doivent rendre leur baïonnette et leur ceinturon. Toute tentative pour conserver des armes sera considérée comme une trahison. »
    Comme un seul homme, nous tournâmes les yeux vers la chaumière blanche entourée de mélèzes. Elle brillait au soleil, à trente pas de nous. Au milieu des arbres, de chaque côté du bâtiment, nous vîmes alors une rangée de mitrailleuses, leurs canons braqués sur nous, ne laissant aucun doute sur la situation. Nous nous tenions indécis, personne ne voulant prendre l’initiative, mais les deux colonels s’avancèrent d’un pas décidé, dégainèrent leurs revolvers et les lancèrent d’un grand geste contre la porte de la chaumière.
    Ils furent imités par deux capitaines. Le premier pas avait été fait. L’un après l’autre, les officiers s’avancèrent et suivirent l’exemple de leurs prédécesseurs – les soldats les regardaient, incrédules. Quand mon tour vint, j’étais comme hypnotisé et incapable de me persuader que tout cela était réel. En atteignant la chaumière, la vue du tas de revolvers me stupéfia. Je tirai le mien à regret en pensant à ce qu’il m’avait coûté de soins et au peu de temps qu’il m’avait servi. Il était encore brillant et de bel effet. Je le jetai et m’en retournai avec la sensation d’être dépouillé. Après les officiers, ce fut le tour des soldats qui s’exécutèrent de mauvaise grâce. Nous avions plus d’armes que nous ne l’avions imaginé. À ma grande surprise, j’aperçus des soldats amenant une mitrailleuse et, au loin, trois paires de chevaux d’artillerie lourde traînant un canon de campagne. Je ne comprends toujours pas aujourd’hui comment et pourquoi il était là.
    Après que le dernier canon et la dernière baïonnette eurent été tristement ajoutés au tas, maintenant énorme, nous eûmes la surprise de voir deux pelotons de soldats soviétiques sauter au bas des camions et se déployer au pas de course en tirailleurs de chaque côté de la route, en gardant leur mitraillette braquée sur nous.
    Du haut-parleur, l’ordre nous vint de nous aligner en bon ordre, face à Tarnopolskie. Tandis que nous nous exécutions, une section de chars mit les moteurs en marche, traversa rapidement la route et, se déplaçant sur le bas-côté, prit position derrière nous, ses canons pointés dans notre direction. Les chars en position devant nous firent pivoter leurs tourelles de manière à diriger leurs canons sur nous. Lentement d’abord, puis au pas de marche, notre colonne s’ébranla en direction de Tarnopolskie.
    Nous étions prisonniers de l’Armée rouge. Pour ma part, étrangement, je n’avais même pas eu l’occasion de me battre contre les Allemands.

Chapitre II Prisonnier en Russie
    La nuit tombait déjà quand nous entrâmes dans Tarnopolskie xii . Une grande partie de la population était sortie dans la rue pour nous regarder, surtout les femmes, les vieillards et les enfants. Ils nous contemplaient avec résignation et ne faisaient de démonstration d’aucune sorte. Plus de deux mille Polonais qui, deux semaines auparavant, avaient quitté leurs foyers pour reconduire les Allemands à Berlin, marchaient à présent vers une destination inconnue, sous la menace de mitraillettes soviétiques.
    Jusque-là nous nous étions traînés apathiques, mais maintenant, sous le regard de cette population, nous avons mieux saisi le rôle que nous aurions dû jouer et de quelle manière lamentable il s’achevait. À ce moment-là, pour la première fois, j’ai songé à m’évader. En jetant un coup d’œil sur mes compagnons d’infortune, j’ai vu que beaucoup d’entre eux avaient la même idée. Ils ne marchaient plus le regard rivé au sol mais regardaient alentour. Leur regard cherchait à repérer dans le cordon de soldats rouges qui nous entourait la moindre brèche qui aurait permis de s’échapper et de se perdre dans la foule. La colonne progressait en rangs serrés par dix. J’étais le troisième depuis la gauche. Tous les cinq rangs, à peu près, marchait un soldat soviétique armé d’une mitraillette. Le sort voulait que l’un d’entre eux se tînt à un mètre de moi. Dès que j’ai tourné la tête pour mieux l’observer et apprécier mes chances,

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