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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
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lui, rejoindre son baraquement avant d’aller travailler dans la forêt.
    — Je m’en vais donc m’occuper de mon affaire, dis-je avec anxiété, et j’essayai de compenser mon sentiment de culpabilité d’obtenir les choses aussi facilement en ajoutant : J’espère que j’aurai d’ici ce soir de vraies nouvelles pour toi.
    Il sourit, me fit un signe de la main.
    À la cuisine, je travaillais près d’un gros paysan ukrainien, plus âgé que moi, avec qui j’étais en très bons termes. Il s’aperçut immédiatement de mon excitation et me demanda ce qui me rendait si fébrile. Je lui répondis que j’avais besoin de son aide, que c’était très important et lui expliquai toute la marche à suivre pendant que nous grattions les marmites. L’idée l’enthousiasma et il accepta presque tout de suite. Il n’avait pas confiance en l’offre des Allemands et ne l’aurait pas acceptée, même s’il s’était trouvé dans les conditions requises mais, d’autre part, il était très désireux de m’aider. Il fallait agir dans l’après-midi même, quand officiers et soldats seraient dans la forêt pour les coupes.
    L’après-midi, comme nous marchions vers les bois, je pris soin de me joindre au groupe des officiers qui se trouvait le plus près des soldats sortant de l’église. Nous étions peu gardés, les Russes se rendant compte que si quelqu’un réussissait à s’échapper du camp, il lui serait impossible d’aller bien loin. En pénétrant dans la forêt, je vis que mon ami ukrainien, Paradysz, s’était arrangé pour être dans le groupe de soldats le plus proche de moi. Nous étions à vingt mètres l’un de l’autre, sans personne entre nous. Nous passâmes devant un arbre qui était remarquable par sa taille : l’Ukrainien me le désigna. J’acquiesçai de la tête.
    Encore trente mètres, et nous avions atteint le secteur où je devais travailler. Je pris ma hache et la brandis sur un tronc d’arbre tombé devant moi, puis la levai en l’air comme pour un autre coup et surveillai la scène. Le seul gardien le plus proche était au moins à cent mètres devant moi. Je jetai ma hache et me mis à courir, sur la pointe des pieds, vers l’arbre que mon ami m’avait indiqué. Il m’attendait, déjà aux trois quarts déshabillé. Je me laissai tomber à côté de lui et commençai à enlever mon uniforme.
    — Je ne peux te dire combien je te suis reconnaissant, dis-je d’un air embarrassé, en tiraillant sur ma chemise, et ma veste.
    — Garde ta salive, répondit-il en souriant, et ne t’en fais pas. Je n’irai même pas habiter avec vos officiers. Tu n’as qu’à endosser mon uniforme et venir avec moi. Quand on nous comptera, à la porte de l’église, je m’attarderai un peu et tu entreras. Je me glisserai au milieu des gardiens un peu plus tard. Si j’ai des papiers, je peux prouver que je suis un soldat, je n’ai qu’à enlever tes insignes et me servir de ton uniforme.
    — Très bien ! fis-je, mais les officiers ne sont pas si mauvais.
    — Je n’ai jamais dit cela.
    — Merci encore.
    Nous achevâmes d’ajuster nos uniformes. Le soldat Paradysz arracha mes insignes et les enterra rapidement sous une pierre. Puis nous nous précipitâmes vers l’emplacement où nous devions travailler. Je travaillai comme un fou, maniant ma hache furieusement pour calmer mon excitation. Quand vint l’heure du retour au camp, je pris sur ma gauche et rejoignis le groupe des soldats. Ils étaient prévenus de mon arrivée et ne posèrent pas de questions. À la porte de l’église, les gardiens nous appelèrent simplement par notre numéro. Mon ami, resté en arrière, grimpa par une étroite fenêtre qui n’était pas gardée. Tout avait bien marché. J’étais maintenant un simple soldat.
    Dès le lendemain matin, je demandai à un gardien l’autorisation de parler à l’officier commandant le camp. Après s’être informé de ce que je voulais, il m’introduisit dans l’un des bureaux officiels aménagé dans l’église.
    Un officier d’âge moyen écrivait à son bureau. À mon entrée, il me regarda, bâilla, s’étira, jeta un coup d’œil sur mes papiers et me demanda :
    — Ton nom ? Que veux-tu ?
    — Soldat Kozielewski, ancien ouvrier, né à Lodz.
    — Et alors ? Que veux-tu ?
    — Retourner dans mon pays, mon commandant.
    — Bien. Je vais en prendre note.
    Il sembla sur le point de me renvoyer, puis changea d’avis, et ajouta

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