Montségur, 1201
quand même le sentier. Peu après,
le chien découvrit des crottes de chevaux qu’il huma longuement en frétillant
avant de s’élancer en jappant jusqu’à un pré bordé d’une épaisse forêt de pins.
L’animal, retenu par le garçon, voulait à tout prix s’engager dans les taillis.
— Ils ne sont pas revenus à Foix, dit Bayard
en montrant la forêt. Ils ont pris dans les bois.
— Où va-t-on, par là ?
— Il y a quelques bergeries et on peut
traverser la montagne jusqu’à Castelsarrasin.
La direction prise par Enguerrand.
— On va suivre le même chemin qu’eux. Rentrez
au château. Je dirai au comte de Foix et à sa sœur combien vous nous avez
aidés.
Bayard leva les yeux vers le ciel bas et sombre.
— Il va encore neiger. Vous ne serez pas en
sûreté cette nuit si vous ne trouvez pas où vous abriter.
— Ce sont ceux qu’on poursuit qui ne seront
pas en sûreté.
— Un de mes hommes peut vous accompagner…
Vous guider.
— Merci, mais je saurai me débrouiller.
L’autre retint une grimace. Il écarta les mains en
signe d’impuissance, puis toucha sa bouche des doigts de sa main droite avant
de saluer Sanceline.
La troupe reprit le chemin en sens inverse. Le
chien gémissait de déception.
Ils s’engagèrent dans le bois par un étroit
sentier qui grimpait raide. Les chevaux hésitaient à chaque pas sur les
cailloux enneigés. Une heure plus tard, le chemin commença à descendre et ils
durent mettre pied à terre afin de guider leur monture à la main. Parfois, ils
apercevaient un tas de crottin que la neige n’avait pas recouvert.
Alaric repéra la première crotte d’âne.
— Ce ne peut être que les cisterciens,
observa Guilhem en l’examinant.
— Mais étaient-ils avec les autres ?
demanda Wolfram.
C’était impossible à dire. Se pouvait-il qu’il y
ait deux troupes, l’une derrière l’autre, dans cette montagne sauvage ?
Ils étaient sur une rocaille qui descendait vers
une futaie de sapins. Une harde de chèvres se sauva dans le brouillard. Guilhem
décida de la suivre.
Ils repartirent comme la neige commençait à
tomber. D’abord de petits flocons, puis d’épais lambeaux blancs qui couvrirent
vite le sol, leur manteau et leur capuchon. Le ciel s’assombrit de plus en
plus. Le chemin disparut en quelques instants. La forêt devint plus vague et
ils n’eurent plus rien pour se repérer.
Les flocons les fouettaient et les aveuglaient en
tourbillonnant. Ils descendirent de cheval, tenant les chevaux par leur bride.
— Gagnons les bois, là-bas ! cria
Guilhem. On s’abritera sous les arbres. Surtout, restons les uns près des
autres.
Ils avancèrent dans la tempête de neige, se
distinguant à peine. Leurs vêtements blancs les rendaient presque invisibles.
La neige provoquait l’obscurité en pleine journée.
Sanceline, épouvantée, n’avait jamais assisté à
pareille tourmente. Wolfram était sombre. Il connaissait la montagne et la
craignait, sachant qu’une telle tempête pouvait faire disparaître toute une
troupe. De plus, des hurlements se faisaient entendre entre deux bourrasques.
Les loups n’étaient pas loin et les épiaient, cachés dans les fourrés.
Guilhem hésitait. Devaient-ils revenir en
arrière ? Plusieurs fois, il se retourna, mais il n’y avait plus de piste
derrière eux et la nuit serait tombée avant qu’ils n’atteignent le château.
S’ils ne se perdaient pas avant.
Avançant au hasard, ils descendirent lentement la
pente. Glissant et trébuchant sans cesse, ils arrivèrent enfin dans la forêt.
Là, le nuage se déchira et la neige tomba moins dru.
Se frayant un chemin sous les arbres, ils
cherchèrent un abri.
Au bout d’un moment, ils découvrirent une falaise
rocheuse leur barrant le passage. S’en approchant, ils la longèrent pour
trouver le moyen de la franchir. C’est ainsi qu’ils découvrirent la caverne.
L’ouverture se faisait sous un surplomb qui avait
protégé le sol de la neige. Un peu d’herbe poussait encore.
— Arrêtons-nous là ! décida Wolfram. La
Divine Providence nous offre le salut !
Guilhem l’approuva.
Ils attachèrent les chevaux à des taillis et
déchargèrent les bagages avant d’ôter les selles. Pendant que Sanceline et
Alaric ramassaient du bois mort pour un feu, Guilhem s’approcha de la caverne.
Obscure, elle paraissait profonde.
— Je vais couper une branche de pin pour
faire une torche, proposa Wolfram.
Il n’avait pas
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