Montségur, 1201
puis de Sanceline, et enfin aux moines. Ce qu’il y lut
modifia son attitude.
— Est-ce vrai ? demanda-t-il aux moines.
— Dans un moment de colère, notre frère
Bernard l’a précipitée dans le ravin, dit Castelnau. Je n’en sais pas plus.
— J’ai ensuite poussé frère Bernard,
intervint Guilhem. Je suis tombé avec lui et son corps m’a sauvegardé. Mais
personne n’avait protégé Sanceline. En bas, je l’ai trouvée morte…
— Elle est pourtant parmi nous, observa
Dracul d’une voix moins assurée.
— Je lui ai mis l’émeraude entre les mains,
et elle est revenue à la vie.
— C’est donc vrai…, murmura le comte.
— En doutiez-vous ? demanda Wolfram.
— Non… Non…, répondit le comte en secouant la
tête de façon indécise. Mais c’est une chose de le savoir, et une autre d’en
avoir la confirmation.
— Comte Dracul, vous avez entendu mes
menaces, et j’ai entendu les vôtres, dit Guilhem. N’allons pas plus loin dans
ce défi et cherchons plutôt un terrain d’entente entre honorables chevaliers.
Vladislas de Valachie parut hésitant. Finalement,
il acquiesça d’un hochement du chef. La nuit tombait et il voulait en finir.
— Que proposez-vous, seigneur d’Ussel ?
— Vos chevaux sont-ils loin ?
— À la rivière, non loin de la source, avec
un de mes hommes.
— Renvoyez-y vos gens et allez en bas du
ravin.
Il le désigna.
— Quand vous y serez, je vous jetterai la
pierre.
— Bien sûr ! Dites plutôt que vous
partirez de l’autre côté ! ricana le comte.
— Je vous donne ma parole que non, assura
Guilhem qui n’en pensait pas un mot.
— Prenez-moi en otage, seigneur comte,
proposa Wolfram. Je sais que Kyot ne m’abandonnera pas. Vous me libérerez quand
il vous aura envoyé l’émeraude. Vladislas de Valachie parut peser les avantages
et les inconvénients de la proposition. Un paysan ou un berger pouvait les
découvrir ici à tout moment, et s’il donnait l’alerte à Bélesta, tout se
compliquerait. Partir rapidement avec l’émeraude serait une victoire
suffisante.
— D’accord, accepta-t-il avec un sourire
rusé. Vous viendrez en otage, ainsi que la femme ajouta-t-il à l’intention de
Wolfram.
Guilhem se retint de grimacer et approuva de la
tête.
— Radu, reviens ! cria le comte. Vous
deux…
Il désigna les moines.
— … Ramassez les armes et attachez-les aux
chevaux…
Il se tourna vers Guilhem :
— …Vous comprendrez que j’emporte vos
montures et vos bagages, seigneur d’Ussel. Cela vous empêchera de me suivre et
ce sera mon butin.
Cet homme est vraiment fils du diable, songea
Guilhem avec dépit. Il ne lui laissait aucune opportunité. Sans compter que son
harnois et l’épée offerte par le comte de Foix se trouvaient sur son cheval,
ainsi que sa vielle à roue. Il allait tout perdre.
Cherchant désespérément une occasion favorable, il
regarda Pierre de Castelnau et frère Gui qui rassemblaient les armes, puis
l’archer valaque qui le tenait en joue.
Quand ce fut terminé. Radu lia les chevaux par
leurs brides. Guilhem craignit un instant qu’il s’aperçût de la corde, toujours
dans le gouffre et au bout de laquelle se trouvait le coffre en or, mais le
valaque n’y prêta pas attention.
— Seigneur d’Eschenbach, vous pouvez vous
lever. Radu vous aidera à monter en selle. Jeune dame, prenez une des montures,
ordonna le comte Dracul.
« Andriescu, donne-moi ton arc, fit-il à son
homme d’armes.
L’autre s’exécuta.
— Voici comment va se passer l’échange entre
les otages et la pierre, seigneur Guilhem. Radu et Andriescu vont rejoindre
leur compagnon à la rivière. Ils garderont les otages le temps de préparer
notre départ. Je resterai ici à vous surveiller. Quand tout sera prêt, Radu et
Andriescu reviendront au ravin avec la dame et le seigneur d’Eschenbach.
Ensuite Radu viendra me chercher.
« Quand j’arriverai en bas du ravin, je veux
vous voir là où sont ces moines, avec l’émeraude à la main. Si vous tentez
quelque chose, vous échouerez et la jolie dame connaîtra le pal. Est-ce
clair ?
— Je ne tenterai rien, promit Guilhem, mais
vous n’aurez la pierre que quand dame Sanceline et Wolfram seront hors de vos
mains.
— On verra cela tout à l’heure.
Il ajouta quelques mots dans une langue inconnue à
l’attention de Radu et d’Andriescu. Guilhem aurait donné cher pour savoir ce
qu’il avait dit.
Les deux valaques
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