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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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Morgennes.
    Il sauta sur le jeune apprenti pour l’étaler de tout son long sur le sol. Galline ! La chair à vif, piquetée de légères boursouflures, la petite poule enfouit sa tête sous le bras de Morgennes, tremblant de tout son corps, cherchant à se blottir.
    — Pourquoi l’as-tu prise ? demanda Morgennes au cuistot allongé sous lui.
    — Mais, mais ! Je n’y suis pour rien ! s’excusa-t-il, désespéré.
    Il régnait une telle cacophonie dans ces cuisines que Morgennes en était presque sourd. En effet, quand ce n’étaient pas les coups de hachoir donnés sur les tables de marbre ou de bois, c’étaient les cliquetis des coquemars et des soupières remués par les apprentis, le chuintement des feux allumés sous les chaudrons, le bouillonnement de l’eau, les clapotis des aliments qu’on y jetait, les grincements des broches qui tournaient, les tintements de cristal ou de chopes entrechoqués, les ordres gueulés d’un poste à l’autre, et les jets de vapeur – prompts à échauder qui s’en approchait de trop près.
    — Tu allais la tuer ! s’époumona Morgennes.
    Il souleva le malheureux au-dessus des étuves, se demandant s’il n’allait pas le projeter dans le chaudron où il avait voulu plonger Galline. Le jeune homme se débattait comme un fou, pleurait, hurlait. Alors Morgennes le reposa à terre, et lui dit :
    — Je suis désolé, je ne sais pas ce qui m’a pris… Je crois que j’ai été empoisonné…
    — Bravo ! Bravo ! fit alors une voix derrière nous, tandis que pour la première fois un silence relatif s’installait dans les cuisines. Vous avez passé la première épreuve, je vous félicite !
    Morgennes se retourna, et vit Coloman en train d’applaudir à tout rompre, nonchalamment assis sur une table. C’est alors que Morgennes se rappela les dernières paroles de Poucet : « Gardez-vous des ogres ! »
    — Qui êtes-vous en vérité, allez-vous nous le dire ? demanda-t-il à Coloman.
    — Moi ? Pas un ogre en tout cas, répliqua Coloman comme s’il savait à quoi pensait Morgennes.
    — Vous n’en avez peut-être pas l’air, fit Morgennes, mais vous en avez la chanson. Pourquoi cette épreuve ?
    — Vous tenez à cette poule, n’est-ce pas ?
    — Oui.
    — Je voulais savoir à quel point.
    — Et maintenant ?
    — Morgennes, méfie-toi ! Il cherche à t’ensorceler ! Quant à toi, fis-je en menaçant Coloman d’un signe de croix, si tu es de Dieu…
    — Tssk, tssk, tssk ! m’interrompit Coloman en retirant le plus tranquillement du monde ses magnifiques gants blancs. Ne me faites pas rire, s’il vous plaît, en allant chercher le mal plus loin que les hommes… Pour ma part, fit-il en virevoltant sur lui-même, je me targue de respecter les sept devoirs de charité auquel tout bon chrétien se doit d’obéir. Car telle est ma devise : «  Visito, poto, cibo, redimo, tego, colligo, condi ! » Et en effet, je ne manque jamais une occasion de rendre visite aux malades, de donner à boire aux assoiffés, de nourrir les affamés, de racheter les captifs, d’habiller les va-nu-pieds, d’accueillir les étrangers, et de fonder des services à l’intention des défunts !
    Petit à petit, dans les vastes cuisines, l’infernal tintamarre reprit. Coloman s’approcha de Morgennes.
    — Je t’ai pratiquement sauvé la vie, lui dit-il. Au Krak des Chevaliers. C’est moi qui ai insisté pour qu’ils te soignent, tu savais ?
    — Non, dit Morgennes. Merci.
    — Ne me remercie pas… Ah, ils ne voulaient pas de toi, les fiers chevaliers, ou alors seulement pour les accompagner dans leurs exploits, tel un chien qui suit son maître… (Faisant voler sa grande cape autour de lui, il s’avança vers Morgennes.) Sois mon élève. Je t’apprendrai tout ce dont tu as besoin pour être accepté par eux. Monter à cheval, comme si tu étais né sur une selle ; te battre à l’épée, de telle sorte que les meilleurs duellistes plieront devant toi ; manier la lance, la masse, le marteau. Sauter, nager, courir… Tu as en toi la force de vingt hommes, je le sais. Mais tu n’as pas d’éducation militaire. Et ce qui n’a pas été appris ne peut point se faire bien. Sois mon élève, deviens un mercenaire.
    — Un mercenaire ? Moi qui rêvais d’être chevalier.
    — N’est-ce pas un temps de service qu’accomplit l’homme sur terre, n’y mène-t-il pas la vie d’un mercenaire ? Allons, tu auras bien le temps

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