Napoléon
celle portée à Wagram qu’il a revêtue « par une coquetterie de gloire », puisqu’il va prendre Vienne une nouvelle fois...
Le programme prévu est bouleversé par la hâte de l’Empereur... Une hâte de collégien. Il s’est assis en face des deux femmes :
— Madame, j’éprouve à vous voir un grand plaisir.
En dépit de la disgracieuse toque couronnée de plumes d’ara frémissantes que porte Marie-Louise,la première impression est excellente. Marie-Louise est bien le « beau brin de femme » qu’il attendait. Les yeux sont trop à fleur de tête – mais d’un fort joli bleu ciel – le nez trop long – mais il donne à la physionomie un air de noblesse – le menton déjà un peu lourd – mais il se marie fort bien avec la lèvre charnue. Les seins sont hauts et bien remplis comme l’exige la mode. Il se dégage de l’ensemble, sinon de la grâce, du moins une fraîcheur rose et blonde. Et puis, Marie-Louise a la main petite et le pied charmant – ce qui, on le sait, plaît à Napoléon.
De son côté, la jeune fille est agréablement surprise. Le « Minotaure » a infiniment de charme, surtout lorsqu’il sourit et cherche à plaire.
Soissons ! On brûle l’étape. L’Empereur est pressé d’arriver à Compiègne.
Il fait nuit.
La Cour s’est massée précipitamment sur le perron, l’escalier et dans les salons d’apparat. Soudain les tambours battent. Le carrosse à huit chevaux pénètre dans la vaste cour éclairée par des valets portant des torches. Une musique assez triste se fait entendre. Marie-Louise descend lentement de voiture, aidée par son mari. Il lui nomme rapidement les rois et les reines qu’elle embrasse. Mais l’Empereur n’a aucune envie de s’attarder.
Ce n’est pas un mariage, mais un enlèvement.
Au pas de charge, Napoléon, interrompant présentations et révérences, propose à l’Impératrice de gagner ses appartements. Mme de Montebello – sa dame d’honneur – et Mme de Luçay, la guident, tandis que la jeune fille constate :
— L’Empereur est bien charmant et bien doux pour un homme de guerre si redoutable ; il me semble maintenant que je l’aimerai bien.
En entrant dans son appartement, Marie-Louise estime l’Empereur d’autant plus charmant qu’elle retrouve son canari abandonné à Vienne, son petit chien, et une tapisserie laissée inachevée dans sa chambre de la Hofburg. Une table de trois couvertsest dressée ; l’Empereur, Marie-Louise et Caroline dînent gaiement. Pendant ce temps la Cour commente l’arrivée et critique l’attitude un peu compassée et gênée de la nouvelle impératrice. Tandis que derrière les éventails on papote et on ironise, à l’étage au-dessus se joue une vraie comédie. Napoléon interroge son oncle Fesch. Voyons, est-il marié ? Selon les lois civiles, assurément, mais peut-être pas tout à fait selon les règles canoniques. Peut-on recevoir un sacrement par procuration ? La situation peut se discuter. Napoléon n’a certes pas l’intention de réunir un concile et, dès ce soir, sans attendre la cérémonie religieuse qui doit être célébrée lundi prochain à Paris, il compte passer à l’action. Il n’ira point passer la nuit, ainsi que le prévoit l’étiquette, à l’hôtel de la Chancellerie...
Nous connaissons la scène par Gourgaud, à qui l’Empereur la racontera, le 30 août 1817, à Sainte-Hélène. Il interrogea Marie-Louise : que lui avait recommandé son père ?
— Il m’a dit qu’aussitôt seule avec vous, j’aurai à faire absolument tout ce que vous me diriez et que je devrai obéir en tout à ce que vous pourriez exiger.
— Eh bien, je veux ce soir coucher avec vous.
— Très bien, répondit-elle.
« Elle en était fort impatiente », racontera encore l’Empereur. Caroline est chargée de donner à la nouvelle mariée les conseils d’usage, mais, déjà « à Vienne, on lui avait tout dit ». Puis Napoléon, le corps inondé d’eau de Cologne, retourne auprès de Marie-Louise... « Je vins, racontera encore l’Empereur, et elle fit tout cela en riant. »
Le lendemain matin, pinçant l’oreille de tout le monde, il déclare à son aide de camp :
— Mon cher, épousez une Allemande, ce sont les meilleures femmes du monde, douces, bonnes, naïves et fraîches comme des roses.
Quant à Marie-Louise, elle écrivit à son père :
« Depuis mon arrivée, je suis presque perpétuellement avec lui, et il m’aime
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