Napoléon
extrêmement. Je lui suis très reconnaissante et je réponds sincèrementà son amour. Je trouve qu’il gagne beaucoup quand on le connaît de plus près ; il a quelque chose de très prenant et de très empressé à quoi il est impossible de résister... »
Quelque chose de très prenant...
Le vendredi 30 mars, départ pour Saint-Cloud où, le dimanche premier avril, se déroule le mariage civil. Tous les dignitaires se tiennent debout et la tête découverte. Le roi Murat est curieusement accoutré. Il a revêtu un costume vaguement espagnol et il arbore une toque surmontée d’une plume de héron. « Leurs Majestés arrivèrent bientôt, racontera un témoin, se placèrent sur l’estrade et s’assirent. D’un signe de main, l’Empereur invita tous ceux qui avaient des chaises ou des tabourets à en faire autant ; il aspira une prise de tabac et adressa un signe de tête au grand-maître des cérémonies qui fit approcher et former un demi-cercle en avant de cette estrade à tous ceux qui étaient présents. Nous entourions Leurs Majestés et nous nous trouvâmes serrés si près d’Elles, que l’Empereur, gêné sans doute de ce voisinage, se mit à dire en s’adressant à nous :
— Ah çà ! messieurs, si vous vouliez bien vous reculer un peu !... »
Le mariage religieux doit être célébré dans le Salon carré du Louvre. Le 2 avril, par un temps couvert et doux, Napoléon et Marie-Louise font leur entrée à Paris dans le carrosse du Sacre attelé de huit chevaux isabelle. Une autre voiture vide, attelée de huit chevaux blancs, la précède : c’est le carrosse destiné à l’Impératrice, mais il n’est là que pour la représentation. Trente autres voitures, à fond d’or, dix carrosses à huit chevaux, vingt à six, mais tous magnifiquement attelés, les précèdent ; ils sont remplis par les grands dignitaires et le service d’honneur.
L’état-major de l’Empereur, les maréchaux, les généraux de division, les aides de camp, les écuyers caracolent, groupés autour de la voiture... Le cortège, toujours dans le même ordre, passe sous l’Arcde Triomphe de l’Étoile, déjà commencé, et qui a été provisoirement achevé en bois. Puis ce sont les Champs-Élysées, la place de la Concorde, le jardin des Tuileries. De distance en distance, des orchestres exécutent des fanfares. Napoléon demande à sa jeune femme de saluer la foule. « Ce n’était pas l’usage de la Maison d’Autriche, racontera l’Empereur. Elle le fit peu, mal et trop sérieusement. »
Le peuple paraît assez froid. Il ne témoigne guère de plaisir à voir une Autrichienne prendre la place de Joséphine et semble déconcerté par la vision de l’Empereur qui a revêtu son disgracieux costume en satin blanc brodé d’or, un « manteau espagnol » sur les épaules, et s’est coiffé d’une toque de velours noir « à la Henri IV », garnie de huit rangs de diamants et surmontée de trois plumes blanches. Cette toque, passablement ridicule, avait d’ailleurs été « placée et déplacée plusieurs fois », a raconté la première dame de Marie-Louise ; on avait essayé « bien des manières de la poser » avant que ce couvre-chef puisse prétendre à être une coiffure masculine.
En « grand habit », la Cour s’est massée dans la Galerie du Louvre. « Voici le costume des dames, nous dit le capitaine Coignet : des robes décolletées par-derrière jusqu’au milieu du dos. Et par-devant on voyait la moitié de leur poitrine, leurs épaules découvertes, leurs bras nus. Et des colliers ! Et des bracelets ! Et des boucles d’oreilles ! Ce n’étaient que rubis, perles et diamants. C’est là qu’il fallait voir des peaux de toutes nuances, des peaux huileuses, des peaux de mulâtresses, des peaux jaunes et des peaux de satin. Les vieilles avaient des salières pour contenir leurs provisions d’odeurs. Je puis dire que je n’avais jamais vu de si près les belles dames de Paris, la moitié à découvert. Ce n’est pas beau. »
La Cour fait meilleur accueil aux mariés que le peuple. Cette union n’est-elle pas un gage de paix ? Napoléon, ébloui par son inhumaine fortune, s’avance vers l’autel au son des fanfares. Les assistants sont frappés de l’air de triomphe arboré par le marié. Il est rayonnant de bonheur et de joie. La cérémonie,célébrée par le cardinal Fesch, se déroule selon les rites – on n’oublie pas la bénédiction des treize
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