Napoléon
de poste Souliac – Napoléon apprend par un message de Marmont que Blücher poursuit sa marche vers Montmirail, semblant ne pas se douter de la défaite de l’avant-veille. L’Empereur accourt, et – ce lundi 14 – c’est la bataille de Vauchamps. La Garde attaque aux cris de Vive l’Empereur ! Grouchy charge à la tête de trois mille cinq cents cavaliers. Victoire totale : Blücher laisse six mille hommes sur le terrain.
Napoléon est ivre de joie. Assis près d’un bivouac, il regarde passer les huit mille prisonniers. Les soldats qui viennent lui apporter un étendard ou un canon reçoivent la croix. Sur les drapeaux impériaux, on pourra broder les noms de Montmirail, Champaubert, Vauchamps, Château-Thierry – et bientôt de Montereau.
Après l’armée de Silésie, au tour maintenant de celle dite de Bohême ! Et la marche reprend. Le soir du 14, Napoléon est à Montmirail où il retrouve son lit de la ferme aux Gréneaux. Puis départ – le mardi 15 – pour La Ferté-sous-Jouarre et Meaux. Les cosaques sont parvenus à enlever deux pièces de canon. Dès qu’il aperçoit le responsable, le général Guyot, il bondit :
— C’est donc vous qui vous laissez prendre votre artillerie ?
Et, comme le général évoque l’épuisement de ses hommes, il l’interrompt :
— Non, monsieur, il n’y a pas d’excuses ! Nos canons, c’est le rempart, le salut de la patrie, l’honneur de l’armée ! En les perdant, on perd l’honneur. Tout doit leur être sacrifié. Est-ce à ma Garde de l’ignorer ?
Si les Prussiens sont battus, Paris n’en est pas moins menacé par les Austro-Russes qui avancent sur Montereau et Fontainebleau. De la ferme de Lumeront, dans les faubourgs de Château-Thierry, ce même 15 février, l’Empereur écrit à Joseph : « Je tremble que ces coquins de Russes ne me mettent le feu à Fontainebleau en représailles. »
En recevant la nouvelle que Napoléon fonce vers Meaux, les Alliés sont abasourdis... Affolés, même, s’il faut en croire Jomini. Doivent-ils encore marcher sur Paris ?
— Paris ! Paris ! s’exclame Knesebeck – un Prussien. C’est pour avoir voulu y marcher que Blücher s’est fait battre ! Qu’avons-nous besoin de voir l’Opéra de Paris !
Napoléon poursuit sa route. Le 16 février, il a déjà quitté Meaux et est à l’hôtel Sainte-Barbe {27} à Guignes. Une partie de l’armée suit, en charrettes. Les Alliés se sont battus contre Marmont et Victor et le combat terminé demeurent comme paralysés sur leurs positions « afin d’attendre le développement des manoeuvres de l’empereur Napoléon ».
Le jeudi 17 février, les Russes sont attaqués à Mormant et vaincus. Napoléon se dirige maintenant vers Montereau. La Garde le suit, « l’oeil de travers ». Passant près d’un vieux chasseur du 2 e qui, au milieu de la route, refait un pansement autour de sa jambe, l’Empereur lui dit :
— Tu ne me vois pas ?
— La route est à tout le monde ! grogne le chasseur.
— Que veux-tu, mauvaise tête ? répond doucement l’Empereur. Tu as la croix, ton fusil, ta pipe, ton bidon plein, du Kaiserlik et du Russe à gogo... Tu vois ton empereur tous les jours... Et jamais content ?...
— Le bidon sonne le creux comme mes tripes, réplique l’ancien ; avec les cinq sous que tu nous donnes par jour... quand il y en a... on ne peut faire bombance.
— Crois-tu que mes affaires vont mieux que les tiennes ?
— Pour ça, non ! On est dans la m... !
— Je vois ce qui te manque, conclut l’Empereur. Tu veux de la bataille, tu en auras demain et de la bonne !
Puis, s’adressant à un officier d’ordonnance :
— Caraman : marquez ce sauvage pour dix napoléons, demain soir... s’il y est encore !
— Sacré tondu ! marmonne le vieux entre ses dents, il va falloir encore se faire tuer pour lui.
Ce 17 février, l’Empereur s’arrête à la Baraque, chez le juge de paix de Nangis. Il écrit à l’Impératrice : « J’ai fait six mille prisonniers russes, j’ai défait le corps de Wittgenstein, lui ai pris, quinze pièces de canon, cinquante caissons d’artillerie. Plusieurs généraux sont pris, mes troupes suivent l’ennemi dans la direction de Montereau, de Provins et de Bray. Ce soir, toute la grande armée ennemie aura repassé la Seine fort en désordre. »
Le vendredi 18 février, devant Montereau, il n’oublie pas sa légende en pointant lui-même un canon sur le
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